Hier soir, à l’occasion d’un dernier échange avec les par­tic­i­pants du débat ImPACtons, le min­istère de l’Agriculture et de l’Alimentation a réaf­fir­mé son attache­ment au dia­logue citoyen qui aurait réelle­ment con­tribué à l’élaboration d’un PSN tourné vers une pro­duc­tion qual­i­ta­tive et les tran­si­tions. Pour­tant, lorsque Pour une autre PAC a pris con­nais­sance de la pre­mière ver­sion com­plète du Plan Stratégique Nation­al (PSN) de la France, nous avons décou­vert de nou­velles déci­sions venant encore amoin­drir l’espoir d’une tran­si­tion agroé­cologique. Le PSN français trahit un énorme décalage entre le proces­sus de con­sul­ta­tion mis en œuvre pour l’élaborer et les arbi­trages finale­ment pris. C’est pourquoi nous nous en remet­tons désor­mais à l’avis de l’Autorité envi­ron­nemen­tale et à l’évaluation du PSN par la Com­mis­sion européenne pour con­train­dre Julien Denor­mandie à une reprise réelle des deman­des exprimées par les citoyens.

Fin du débat ImPACtons sur le PSN, mais poursuite, en toute discrétion, des arbitrages délétères pour l’avenir de notre agriculture et de notre alimentation

Mar­di 12 octo­bre, à l’occasion d’un ate­lier par­tic­i­patif organ­isé par le min­istère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA), Julien Denor­mandie s’est exprimé une dernière fois face aux par­tic­i­pants du débat ImPACtons pour féliciter l’obtention, grâce à un dia­logue citoyen con­struc­tif, d’un PSN “éloigné du statu quo” et résol­u­ment tourné vers “la pro­duc­tion qual­i­ta­tive, les tran­si­tions, la créa­tion de valeur dans les ter­ri­toires et la sor­tie de la dépen­dance”. A cette nou­velle occa­sion man­quée d’assumer le choix d’un statu quo incom­pat­i­ble avec les résul­tats du débat et les recom­man­da­tions de la Com­mis­sion européenne, s’ajoutent les déci­sions sur­pris­es que Julien Denor­mandie a glis­sées cet été dans les 650 pages de la pre­mière ver­sion du PSN.

Alors que Pour une autre PAC avait déjà dénon­cé la réal­ité d’un PSN irre­spon­s­able der­rière les inten­tions affichées du min­istre, la décli­nai­son tech­nique apporte en effet encore son lot de décep­tions et accentue le décalage entre ce que Julien Denor­mandie dit pri­oris­er face aux citoyens et les choix tech­niques réelle­ment appliqués. “Nous nous atten­dions à une ver­sion con­forme aux négo­ci­a­tions ayant mené au statu quo ; nous avons obtenu pire. Les sur­pris­es sont nom­breuses dans cette nou­velle ver­sion du PSN, mais pour les organ­i­sa­tions citoyennes, elles sont étrange­ment toutes mau­vais­es”, déplore Math­ieu Courgeau, paysan en Vendée et prési­dent de Pour une autre PAC.

Des ajouts, en catimini, qui contredisent les promesses de Julien Denormandie

 

La lec­ture du PSN a en effet révélé de nou­veaux élé­ments, non soumis ou non validés dans le cadre de la con­cer­ta­tion orchestrée par le MAA au pre­mier semes­tre de cette année. Ces cor­rec­tions apportées en cati­mi­ni sont loin des promess­es de trans­parence et de par­tic­i­pa­tion affichées par le min­istre. Par­mi ces mau­vais­es sur­pris­es, cer­taines s’apparentent vraisem­blable­ment à des cadeaux faits aux sec­tions “grandes cul­tures” de la FNSEA qui ne défend­ent ni l’intérêt général, ni celui de tous les agricul­teurs, mais la per­pé­tu­a­tion d’un sys­tème d’aide à leur avantage :

En ce qui con­cerne la ges­tion des risques, la logique assur­antielle est sys­té­ma­tisée, plutôt que la logique d’adap­ta­tion face aux aléas :

  • Un instru­ment d’indemnisation des revenus pour les bet­ter­aviers a été créé, alors qu’il n’a jamais été dis­cuté durant les con­cer­ta­tions et relève d’un sou­tien préféren­tiel injus­ti­fié d’une fil­ière en par­ti­c­uli­er ayant réclamé une nou­velle forme de com­pen­sa­tion du fait de l’interdiction des néonicotinoïdes.
  • Le niveau de perte de pro­duc­tion don­nant droit à l’aide à l’assurance récolte a été abais­sé, faisant porter tou­jours plus à une indem­ni­sa­tion en théorie excep­tion­nelle ce qui con­stitue désor­mais une sit­u­a­tion de fluc­tu­a­tion des niveaux de pro­duc­tion mal­heureuse­ment normale.

Sur le plan envi­ron­nemen­tal, plusieurs élé­ments accentuent le green­wash­ing de ce PSN :

  • Si le min­istre con­firme sa volon­té d’inclure le label HVE dans le niveau supérieur de l’éco-régime, au même niveau que la bio, la réno­va­tion prévue du cahi­er des charges de la HVE inter­vien­dra après soumis­sion du PSN à la Com­mis­sion européenne, et ce, sans offrir d’explication sur cette incom­pat­i­bil­ité de calendrier.
  • L’accès à l’éco-régime via une cer­ti­fi­ca­tion envi­ron­nemen­tale de niveau « 2+ » est encore plus facile que prévu, grâce à l’inclusion éton­nante de critères relat­ifs à la déten­tion d’outils d’agriculture de pré­ci­sion et au recy­clage des déchets, totale­ment flous et sans aucune effi­cac­ité envi­ron­nemen­tale avérée.
  • Mal­gré les inten­tions affichées de Julien Denor­mandie en faveur des haies, les règles prévues par la con­di­tion­nal­ité envi­ron­nemen­tale n’empêchent en fait que très peu l’arrachage de ces haies, n’incitent pas l’agriculteur à installer ou main­tenir les haies et, le cas échéant, ne lui attribue qu’une rémunéra­tion ridicule­ment basse via l’éco-régime.

Con­cer­nant la sou­veraineté ali­men­taire et le bien-être ani­mal, deux pri­or­ités majeures ressor­ties du débat ImPACtons, le PSN y reste com­plète­ment aveugle :

  • D’une part, la notion de “sou­veraineté ali­men­taire” ne béné­fi­cie même pas d’une seule men­tion tout au long des 650 pages du PSN.
  • D’autre part, aucune mesure d’envergure n’est prévue directe­ment pour répon­dre à l’enjeu du bien-être animal.

Enfin, si la France avait à pre­mière vue plutôt bien accueil­li les straté­gies “Farm to Fork” et “bio­di­ver­sité”, Julien Denor­mandie vient de pren­dre la tête des États mem­bres s’opposant de manière véhé­mente à la Com­mis­sion, qui demande que ceux-ci indiquent com­ment leur PSN con­tribuera à la réal­i­sa­tion des objec­tifs du Pacte Vert.

Est-ce avec un tel PSN que la France compte briller lors de la présidence française du Conseil ?

Julien Denor­mandie a jusqu’au 31 décem­bre 2021 pour soumet­tre le PSN français à la Com­mis­sion européenne. Après cette date, il pren­dra la prési­dence du Con­seil des min­istres de l’agriculture de l’UE pour un semes­tre. Quel sig­nal envoyé au niveau européen si la France, pre­mière puis­sance agri­cole de l’UE, plus gros béné­fi­ci­aire de la PAC et à la tête d’une insti­tu­tion européenne, méprise à ce point dans son pro­pre PSN les recom­man­da­tions de la Com­mis­sion européenne, les deman­des citoyennes et la con­tri­bu­tion aux objec­tifs du Pacte vert de l’UE ?!

La par­tie n’est cepen­dant pas ter­minée. Julien Denor­mandie pour­rait être con­traint de revoir à la hausse sa copie, en rai­son de négo­ci­a­tions encore ouvertes en France sur des sujets soci­aux (con­di­tion­nal­ité sociale et déf­i­ni­tion de l’agriculteur éli­gi­ble aux aides), de l’avis de l’Autorité envi­ron­nemen­tale sur le PSN atten­du pour la fin du mois, la con­sul­ta­tion du pub­lic sur la base de cet avis en novem­bre, et enfin, les retours informels de la Com­mis­sion européenne sur le pre­mier jet de PSN de la France. Pour une autre PAC espère qu’à la lumière de ces avis sur le pro­jet de PSN de la France, Julien Denor­mandie soit con­traint de sup­primer les inco­hérences entre les inten­tions poli­tiques affichées et la réal­ité du PSN français. Il ne pour­ra pas, à la fois pro­pos­er une poli­tique agri­cole française sans enver­gure à la Com­mis­sion européenne, et espér­er être crédi­ble en défen­dant des avancées sur les ques­tions agri­coles lors de la prési­dence française du Con­seil de l’UE.

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