Mar­di 14 mai, à Cham­bray-lès-Tours, un débat dédié à la réforme de la PAC a eu lieu, rassem­blant des représentant·e·s d’organisations agri­coles et envi­ron­nemen­tales, trois candidat·e·s aux élec­tions européennes (Marie-Agnès Pelti­er, EELV ; Karine Gloanec-Mau­rin, PS-Place Publique ; Pierre Bitoun, représen­tant du par­ti La France Insoumise) et une quar­an­taine citoyen·ne·s.

 

“Les citoyens doivent se réapproprier leur alimentation”

Le débat a débuté par une rapi­de présen­ta­tion des enjeux de la Poli­tique Agri­cole Com­mune par les asso­ci­a­tions mem­bres de la plate­forme. Elles ont expliqué les 12 pri­or­ités de la plate­forme pour une réforme de la PAC, en illus­trant les liens que cette dernière peut avoir avec le quo­ti­di­en des gens.

Des syn­di­cats agri­coles non mem­bres de Pour une autre PAC ont ensuite réa­gi à ces 12 pri­or­ités , en pro­posant une autre lec­ture du con­texte actuel, ou en don­nant la pri­mauté à d’autres enjeux. Ain­si, Jean-Claude Robin pour l’UDSEA 37 (sec­tion départe­men­tale rat­tachée à la FNSEA) a insisté sur la posi­tion de la France comme cinquième plus gros expor­ta­teur mon­di­al de céréales, et sur la néces­sité de défendre cette place car “elle fait vivre les paysans”. Il estime que “l’immédiateté des deman­des de société n’est pas com­pat­i­ble avec le temps long de la recherche d’innovation du monde agri­cole”. Si les 12 pri­or­ités de la plate­forme lui sem­ble cohérentes sur le fond, “il faut pren­dre toutes les pré­cau­tions pour les met­tre en oeu­vre”.
Pour la Coor­di­na­tion Rurale 37, Michel Le Pape a demandé plus de régu­la­tions, pour éviter la sur­pro­duc­tion et favoris­er l’indépendance des agricul­teurs, qui ne doivent pas être inté­grés dans un sys­tème où ils n’ont pas de con­trôle. Il réclame aus­si un con­trôle accru des impor­ta­tions, notam­ment sur les OGM. 

En par­al­lèle,  Teman­u­a­ta Girard de la Con­fédéra­tion Paysanne, syn­di­cat agri­cole mem­bre de Pour une autre PAC, a insisté sur la demande de la plate­forme d’investir plus dans le sec­ond pili­er de la PAC, pour qu’il ne soit pas “là pour répar­er les dégâts du pre­mier pili­er” (Lien pour com­pren­dre la PAC et les deux piliers)
Enfin, Mag­a­li Sava­ton pour le GABBTO, groupe­ment local de la Fédéra­tion nationale de d’agriculture biologique (elle aus­si mem­bre de Pour une autre PAC), a rap­pelé qu’il a été “longtemps demandé aux pro­duc­teurs de pro­duire et pro­duire encore, en omet­tant de leur deman­der de pro­duire bien”. Aujourd’hui, il faut chang­er les méth­odes, et pour cela “les citoyens doivent se réap­pro­prier leur ali­men­ta­tion”.

Changer la PAC pour changer l’Europe

Par la suite, les candidat·e·s ont réa­gi aux 12 pri­or­ités de la plate­forme. Tout d’abord, Marie-Agnès Pelti­er (EELV) con­state que “la PAC a détru­it 5 mil­lions d’emplois” et inter­roge: “La PAC n’est-elle pas l’occasion de dévelop­per la sol­i­dar­ité entre les pays de l’Union Européenne?”. La can­di­date écol­o­giste a salué les propo­si­tions de la plate­forme, en insis­tant sur l’implication néces­saire des citoyen·ne·s dans cette réforme. Elle a aus­si évo­qué le change­ment souhaitable du méti­er de paysan·ne, qui doit nour­rir la pop­u­la­tion en ayant le souci de l’environnement, de la san­té des con­som­ma­teurs, du bien-être ani­mal et du main­tien de la bio­di­ver­sité.

Karine Gloanec-Mau­rin (PS/Place Publique) a aus­si soutenu les propo­si­tions de la plate­forme, puisqu’il faut “chang­er la PAC pour faire bouger l’Europe, s’engager dans la tran­si­tion écologique, pro­téger les sols et préserv­er une bonne ali­men­ta­tion”. Face aux enjeux cli­ma­tiques, “la PAC est à la fois la cause et la solu­tion”. Et effec­tive­ment, la PAC, par les aides qu’elle dis­tribue, encour­age depuis son orig­ine des pra­tiques dénuées de con­sid­éra­tions envi­ron­nemen­tales, alors que son bud­get con­séquent (40% du bud­get de l’UE) pour­rait lui per­me­t­tre d’amorcer une tran­si­tion vers une agri­cul­ture durable, pro­tec­trice de la bio­di­ver­sité. Karine Gloanec-Mau­rin regrette alors que la Com­mis­sion Européenne veuille dimin­uer son bud­get. L’actuelle députée européenne a ensuite rap­pelé le fonc­tion­nement des insti­tu­tions européennes en insis­tant sur l’impor­tance des prochaines élec­tions, et du rôle déter­mi­nant des prochain·e·s député·e·s européen·ne·s sur la redéf­i­ni­tion de la PAC.

Pierre Bitoun (La France Insoumise) a salué l’initiative de la plate­forme qui “invite à pass­er d’un mod­èle pro­duc­tiviste inten­sif à un mod­èle plus souten­able : agri­cul­ture durable, bio, agroé­colo­gie”. Il est donc en accord avec les principes portés par la plate­forme, mais estime que cer­taines mesures pro­posées sont floues, peu détail­lées, où sont trop con­sen­suelles et ne vont pas assez loin. Con­cer­nant le volet “démoc­ra­tie ali­men­taire” par exem­ple, il prévient : l’intégration de nou­veaux acteurs dans les négo­ci­a­tions ne fera pas dis­paraître les iné­gal­ités entre les acteurs. La société civile qui serait inté­grée aux négo­ci­a­tions ne “ferait pas le poids face aux pro­fes­sion­nels de la com­mu­ni­ca­tion et de la représen­ta­tion des multi­na­tionales”. Par con­séquent, “cela n’aboutirait pas à la fer­me­ture des fer­mes usines, à l’interdiction de la brevetabil­ité du vivant, à la remise en cause de la grande dis­tri­b­u­tion”. Con­clu­ant sur les négo­ci­a­tions en cours pour la prochaine PAC,  Pierre Bitoun estime qu’il “n’y aura pas de véri­ta­ble change­ment de cap tant que l’UE ne sera pas refondée de fond en comble, que les traités et le dogme européen de libre-échange ne seront pas remis en cause”.

 

Les subventions sont-elles légitimes? L’exportation est-elle injuste? 

La parole est ensuite don­née à la salle. Un citoyen demande : “chaque pays ne devrait-il pas assur­er son ali­men­ta­tion? Pourquoi l’agriculture mérite-t-elle d’être sub­ven­tion­née?”. L’échange ouvert per­met aux autres citoyen·ne·s d’apporter des répons­es : un pays ne peut pas être totale­ment autar­cique, et l’agriculture, même biologique, a besoin des aides de la PAC pour se main­tenir. Il est en effet néces­saire que la PAC demeure à un éch­e­lon supra­na­tion­al, qui per­met, par une vision d’ensemble à l’échelle du con­ti­nent, d’engager une réelle tran­si­tion mas­sive de notre sys­tème agri­cole et ali­men­taire.  Un autre citoyen ajoute que la France est un grand pays agri­cole, et que sa capac­ité expor­ta­trice “répond aux besoins des pays à faible poten­tiel agri­cole, notam­ment en Afrique du Nord”. Cette affir­ma­tion fait débat, un autre citoyen répond que l’export en Afrique se fait “à grand ren­fort de sub­ven­tions européennes, et empêche des struc­tures locales de se développer. 

Enfin, une citoyenne témoigne de son impli­ca­tion dans le pro­gramme “Familles à ali­men­ta­tion pos­i­tive”, pro­gramme qui pro­pose à des familles de se regrouper pour répon­dre au défi de “l’alimentation pos­i­tive”, en changeant leurs habi­tudes ali­men­taires pour se tourn­er vers des pro­duits bio et locaux. Pour elle “on peut manger bio au même prix”, notam­ment grâce à ce pro­gramme qui suit ses par­tic­i­pants pour les aider à con­som­mer bio et local tout en maîtrisant leur budget.

 

Le GABBTO en mot de con­clu­sion a remer­cié les participant·e·s et a insisté sur l’importance de cette ini­tia­tive pour que les citoyen·ne·s et les paysan·ne·s repren­nent en main leur poli­tique agricole.