A Clapiers dans l’Hérault, une quarantaine de citoyen·ne·s ont participé à un débat sur la première politique européenne : la Politique Agricole Commune. Etaient présent·e·s 4 candidat·e·s aux élections européennes : Irène Tolleret (Renaissance), Nathalie Bourras (LFI), Guillaume Cros (EELV) et Guilhem Roux (Urgence Ecologie) ; mais aussi Judith Carmona (Président de la commission agriculture du conseil régional), Emilie Dequet (paysanne, porte parole de la Confédération Paysanne 34) ainsi que Laurène Lavocat (animatrice du débat, journaliste chez Reporterre).
Tout d’abord, le fonctionnement actuel des la Politique Agricole Commune, la plateforme Pour une autre PAC et ses 12 priorités sont présentés. Puis, Emilie Dequet, éleveuse de brebis, témoigne de l’impact de la PAC sur son exploitation : “La dernière réforme de la PAC a augmenté nos aides, mais Lactalis a répercuté cette hausse en baissant le prix au litre du lait. Les réformes ne suffisent pas, pour qu’elle soient efficaces, il faut contrôler tous les acteurs de la filière”.
Ensuite, Judith Carmona rappelle que l’Occitanie est la première région bio de France, avec les plus petites fermes du pays. Pourtant, le revenu des agriculteurs y est 37% inférieur à la moyenne nationale. Face à l’Europe qui “a une vision très high tech de l’agriculture de demain”, elle préfèrerait que soient mis en place des financements pour les “structures qui accompagnent la transition agroécologique”.
La transition vers l’agroécologie
Les candidats se sont ensuite positionnés face aux propositions de la plateforme.
Pour Irène Tolleret (Renaissance), il faut “de la cogestion plutôt que de la co-construction, en s’appuyant sur les 4 réunions par an des Groupes d’Actions Locales”. Elle a rappelé que la liste Renaissance demande la suppression des aides à l’hectare pour les remplacer par des aides à l’actif, et qu’elle défend une “rémunération juste pour les paysans”. Pour cela, sa liste propose de “faciliter l’accès à d’autres sources de revenu (vente d’électricité, gîtes…)”, et de réduire les délais de paiement de la PAC, qui, elle le reconnaît, sont une “spécialité française”.
Ensuite, Guillaume Cros (EELV) évoque certains enjeux : sociaux tout d’abord (1 suicide tous les deux jours chez les paysan.ne.s), sanitaires (de nombreuses maladies professionnelles) et économiques (pour une rémunération juste). Il souhaite alors plafonner les aides à l’hectare, en supprimant la “multitude de conditions d’application qui permettent de contourner ces plafonnements”. Il faut aussi remettre une dose de protectionnisme pour limiter l’import, et supprimer les aides à l’export. Enfin, il rappelle la volonté d’EELV de passer à une agriculture 100% bio, qui “doit devenir la norme et plus l’exception”.
Nathalie Bourras (LFI) propose 3 axes de réforme pour la PAC. Tout d’abord protéger et rémunérer les producteurs par la mise en place de prix minimum garanti, la planification de la production, et l’encadrement des marges des intermédiaires entre producteurs et consommateurs. Le deuxième axe doit permettre d’accompagner la transition agroécologique, et le troisième garantir l’accès pour chaque citoyen à une alimentation saine.
Enfin, Guilhem Roux (Urgence Ecologie) indique que face à l’effondrement de la vie sur terre, l’agriculture est à la fois l’une des causes, mais aussi le secteur le plus menacé. La transition écologique nécessaire “ne pourra pas se faire sans combattre les lobbies. Il faut s’appuyer sur la démocratie et expulser les lobbys du Parlement Européen”. Son parti s’engage aussi sur le bien-être animal et “exige l’abolition de l’élevage industriel et la défense d’un élevage paysan”.
Moratoire sur les terres agricoles?
Une personne dans le public propose un moratoire sur les terres agricoles. En effet, “pour faire de l’agriculture, il faut des terres, or, on les détruit avec des grands projets d’artificialisation”.
Les quatre candidats sont en accord avec cette idée. Nathalie Bourras (LFI) ajoute vouloir lutter contre “l’accaparement des terres par les gros propriétaires et les investisseurs”. Guilhem Roux (Urgence Ecologie), lui, estime qu’il faudrait que “l’UE sanctuarise les territoires autour des villes” pour que les campagnes autour de ces villes puissent les nourrir.
Quelle gestion du foncier agricole ?
Un citoyen demande aux candidats : “Comment faire pour que le foncier agricole redevienne un commun dont la société pourra décider de l’usage et éviter la spéculation? Quels sont les moyens dont disposent les pouvoirs publics?”
Guilhem Roux (EELV) répond qu’il “ne croit pas au passage de la propriété privée à la propriété commune, car elle est trop ancrée dans nos traditions”. Il souhaiterait créer “les conditions favorables à une agriculture paysanne diversifiée et massive” en créant par exemple une communauté écologique européenne avec les pays volontaires pour harmoniser les politiques. Irène Tolleret (Renaissance) estime que l’on peut déjà protéger le foncier agricole, que c’est une question de volonté politique.
Des paysans sous perfusion
Enfin, un paysan demande “quelles sont vos propositions pour augmenter nos revenus agricoles, sans les aides? il faut stopper cette perfusion !”.
Guilhem Roux (EELV) acquiesce, et estime qu’il y a un double problème qui empêche selon lui la digne rémunération du travail paysan : d’une part la mise en concurrence sur les marchés mondiaux, qu’il faut limiter en développant une commercialisation locale, et d’autre part la multiplicité des intermédiaires. Nathalie Bourras (LFI) ajoute : la PAC doit aller plus loin que le revenu des paysans : “il faut assurer à tous une alimentation de qualité à prix raisonnable”. Enfin, Irène Tolleret (Renaissance) estime que les paysans doivent pouvoir vivre de leurs propres revenus, mais que dans une phase de transition, ils ont besoin des aides de la PAC. Elle ajoute que puisque les catastrophes naturelles vont affecter les revenus, il faut diversifier les sources de revenus.