A Paris, Frédéric Viale (LFI), Maxime Zuc­ca (Place Publique — PS), Guil­laume Balas (Génération.s) et Marie Tou­s­saint (EELV) ont par­ticipé à un débat qui a rassem­blé plus de 100 citoyens autour d’une table cou­verte de vict­uailles : légumes, pains aux graines, miel, oeufs… L’occasion d’échanger dans une ambiance cor­diale sur la pre­mière poli­tique européenne : la PAC. 

Jacques LOYAT, expert de la PAC et mem­bre de la com­mis­sion Agronomie d’ATTAC a ouvert la soirée par un exposé des grandes lignes de la PAC : son his­toire, les deux piliers et leur fonc­tion­nement, l’organisation com­mune des marchés, la PAC actuelle et ses con­séquences. Il a ensuite détail­lé les 12  pri­or­ités défendues par la plate­forme Pour une autre PAC.

A sa suite, Anne Bach, d’Ac­tion Aid France a présen­té les con­séquences de la PAC sur les paysans du Sud à par­tir de deux exem­ples : la poudre de lait et le soja. Dans le pre­mier cas, l’Union Européenne exporte la poudre de lait de ses sur­plus en Afrique de l’Ouest ce qui empêche le développe­ment de l’agriculture locale. Dans le deux­ième, l’Union Européenne importe du soja d’Amérique du Sud et favorise la déforesta­tion dévas­ta­trice du Brésil et d’ailleurs.

Sophie Duplay, maraichère en AMAP, a clo­turé cette mise en con­texte en présen­tant le principe de ces asso­ci­a­tions organ­isant la sol­i­dar­ité entre un paysan et des citoyens-con­som­ma­teurs par un engage­ment mutuel sur l’année. Par l’action, les AMAP amor­cent con­crète­ment un change­ment dans l’agriculture.

PAC ou PAAC ? 

Après ce pro­pos intro­duc­tif, les can­di­dats ont été invités à expos­er leur vision de la PAC, et leur posi­tion con­cer­nant sa renégociation.

Pour Frédéric Viale (LFI) “la PAC est symp­to­ma­tique des lim­ites de l’UE” : si elle repose au départ sur “une idée intéres­sante : pro­téger les paysans des aléas aux­quels ils ont habituelle­ment soumis avec une poli­tique de débouché par la préférence com­mu­nau­taire” ; elle est désor­mais trop tournée vers les expor­ta­tions, avec les prob­lèmes évo­qués plus haut. Il pro­pose alors de réori­en­ter la PAC à par­tir de trois volets : rémunér­er digne­ment les agricul­teurs, réus­sir la tran­si­tion écologique, et pro­duire une nour­ri­t­ure de qual­ité. Selon lui, cette réori­en­ta­tion sera pos­si­ble “seule­ment si il y a une rup­ture vis-à-vis du libre échange, ce qui implique une rup­ture avec les traités”.

Guil­laume Balas, eurodéputé PS sor­tant, désor­mais can­di­dat pour la liste Print­emps Européen (Génération.s), partage le point de vue de Frédéric Viale : le libre-échange et sa logique pro­duc­tiviste doivent être remis en cause. Pour accom­pa­g­n­er la tran­si­tion agri­cole, il pro­pose de remet­tre en ques­tion les critères de sub­ven­tion et réor­gan­is­er les piliers. Enfin, il veut “démoc­ra­tis­er les instances”, pour que la PAC s’appuie sur le local, avec des con­seils de tran­si­tion au niveau territorial. 

Maxime Zuc­ca (Place Publique — PS) se déclare favor­able à une PAAC (Poli­tique Agri­cole et Ali­men­taire Com­mune) qui per­me­t­trait à l’UE d’atteindre l’autonomie en pro­téines végé­tales en encour­ageant la pro­duc­tion de légu­mineuses. Il pro­pose de rem­plac­er les aides à l’hectare par des aides à l’actif (con­di­tion­ner les aides en fonc­tion du nom­bre d’emplois sur la ferme, et non en fonc­tion de la taille de celle-ci), et de con­sacr­er 70% des aides de la PAC à la tran­si­tion agroé­cologique : aides au bio, aides pour ser­vices envi­ron­nemen­taux et soci­aux, agri­cul­ture de prox­im­ité, aides à l’installation, aides sup­plé­men­taires pour les jeunes agricul­tri­ces, for­ma­tion pour des nou­velles pratiques…

Marie Tou­s­saint (EELV) ter­mine le tour de table en dénonçant un sys­tème agri­cole aux graves con­séquences envi­ron­nemen­tales (assèche­ment des ter­res, engrais chim­iques) mais aus­si sociales (perte d’emploi, sui­cides) san­i­taires (pes­ti­cides, per­tur­ba­teurs endocriniens) et sur le bien-être ani­mal. Elle con­clut en s’appuyant sur une étude de l’IDDRI présen­tée en 2018 et souligne que l’on “peut nour­rir jusqu’à 10 mil­liards d’être humains avec l’agro écolo­gie”. Pour cela, elle souhaite, comme Maxime Zuc­ca, pass­er de la PAC à la PAAC. 

Comment mettre en oeuvre le changement? 

Les citoyens dans la salle ont ensuite inter­pel­lé les can­di­dats. La pre­mière inter­ven­tion invite les can­di­dats à se posi­tion­ner sur les traités européens, et sur la con­cur­rence intra-européenne. 

Pour met­tre fin à une con­cur­rence qu’il juge déloyale au sein même de l’UE, François Viale (LFI) pro­pose de s’appuyer sur les propo­si­tions de la Con­fédéra­tion Paysanne, en met­tant en place un prix min­i­mum d’entrée sur le marché. Maxime Zuc­ca (Place Publique — PS), et Guil­laume Balas (Génération.s) expri­ment leur oppo­si­tion à la supéri­or­ité don­née au principe de con­cur­rence sur celui de coopéra­tion. Enfin, Marie Tou­s­saint (EELV) con­sid­ère que l’on peut chang­er les choses dans le cadre des traités. Elle prend pour exem­ple le cas de régions qui ont mis fin aux sub­ven­tions pour les éleveurs ne respec­tant pas le bien-être ani­mal et pra­ti­quaient par exem­ple la cas­tra­tion des porcs non étour­dis ou l’écrasage des poussins… Il faut cepen­dant une volon­té poli­tique forte pour met­tre fin à ce genre de pratiques.

Que faire face aux lobbies? 

Un citoyen demande aux can­di­dats leurs propo­si­tions pour réus­sir à con­tr­er l’influence des lobbies. 

François Viale (LFI) estime que la trans­parence n’est pas suff­isante : “il faut lut­ter con­tre les con­flits d’intérêt et je regrette que la com­mis­sion d’éthique ne fonc­tionne que trop peu”. Il serait néces­saire selon lui d’en finir avec le pan­tou­flage” entre des postes dans les Insti­tu­tions Européennes et en entre­prise privée, en instal­lant “une muraille de Chine pour empêch­er cela et pénalis­er ce genre de pra­tique”. Maxime Zuc­ca (Place Publique — PS) souligne “L’intégrité de [sa] liste face aux lob­bies” et prend en exem­ple cer­tains de ses col­istiers : Claire Nou­vian (anci­enne prési­dente de Bloom), ou Eric Andrieu (Député Européen sor­tant). Il pro­pose d’interdire à un eurodéputé ou com­mis­saire de tra­vailler par la suite dans un secteur de l’industrie en rap­port avec ses respon­s­abil­ités passées. Guil­laume Balas (Génération·s) rap­pelle quant à lui la volon­té de son mou­ve­ment de créer un lob­by citoyen, com­posé en trois tiers : représen­tants d’ONG, syn­di­cal­istes et sim­ples citoyens. Enfin, Marie Tou­s­saint pro­pose de “nouer une alliance entre citoyens et agricul­teurs pour établir ensem­ble un rap­port de force et faire face au poid des lob­bies. Elle ajoute que “la FNSEA, qui ne veut pas de régle­men­ta­tion surtout sur le méthane et l’élevage” est respon­s­able du manque de pro­jets agri­coles ambitieux en France.

La soirée s’est ter­minée par un échange informel des citoyens autour de la table paysanne.