A Rochefort, Benoît Biteau (EELV), Billy Fernandez (Urgence Ecologie) et Carole Mare (LFI) ont accepté l’invitation à venir débattre de la PAC avec 60 citoyens.
Après une rapide présentation de la Politique Agricole Commune, de la plateforme Pour une autre PAC et de ses 12 priorités, les candidats ont pu exposer leur vision de la PAC.
La PAC comme réponse à l’urgence écologique !
Carole Mare (LFI) a commencé par exprimer son accord avec toutes les propositions de la plateforme : « elles font partie de notre programme ». Son constat : « La politique de l’Europe, comme la politique nationale, va à l’encontre de l’urgence écologique ». Face à cette urgence, la PAC représente un levier, et pour cela, elle doit « soutenir une agriculture durable et viable qui va vers le bio, le local et les protéines végétales », ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La candidate insoumise a aussi rappellé la volonté de sa liste de « dégager les lobbies le plus vite possible ».
Benoît Biteau (EELV) est ensuite revenu longuement sur les chiffres qui illustrent la situation du monde agricole en France : diminution de moitié du nombre de fermes en 20 ans, 80% des aides de la PAC qui reviennent à 20% des agriculteurs… Il souscrit pleinement aux 12 priorités de la Plateforme. Toutefois, il exprime une réserve : il souhaiterait que la PAC ne soit plus divisée en piliers.
Enfin, Billy Fernandez (Urgence Écologie) abonde dans le même sens que les deux autres candidats. Il est cependant surpris du manque de prise de conscience face à l’urgence climatique : « J’ai l’impression que l’on ne vit pas sur la même planète ». Pour favoriser ce réveil citoyen, il juge nécessaire de chiffrer la pollution et ses conséquences, qui « coûte plus cher qu’on ne le pense ». En réaction aux propos des autres candidats en faveur d’une “transition”, il réagit : « la notion de transition est abstraite. Il faut agir immédiatement ». Pour cela, sa liste propose 3 mesures phares : interdire tous les pesticides dangereux, créer une PAC entièrement bio, et abolir l’élevage industriel.
Cette dernière remarque fait réagir un citoyen : « Qu’est-ce que l’élevage industriel ? ». Pour Carole Mare (LFI), qui préfère le terme “élevage intensif”, il se distingue par un critère quantitatif (le nombre d’animaux par élevage) et le non-respect des comportements naturels de l’animal. Elle en profite pour faire remarquer le problème des émissions de gaz à effet de serre liées au bétail, notamment le méthane émis par les bovins lors de leur digestion et qui a, sur une période de 100 ans, un potentiel de réchauffement climatique 25 fois plus élevé que le CO2.
Quelle agriculture pour demain?
Jean-Marc Girardeau, animateur du débat, fait remarquer aux candidats qu’ils n’ont pas répondu à la question choisie en thème de la soirée : « quelle agriculture pour demain ? ». Il les interpelle : il faut « d’abord un projet, ensuite des règles ». Il explique par exemple que l’on ne peut pas passer en bio du jour au lendemain. En effet, pour certaines terres très polluées, il faut un temps parfois long avant qu’elles soient dépolluées et que la production puisse être qualifiée de “bio”. Il ajoute une réserve concernant les propositions de la plateforme, il estime que la première priorité (co-construire la PAC) est irréaliste, jugeant impossible le consensus entre agriculteurs.
Benoît Biteau (EELV), en réaction à cette intervention, estime qu’il faut partir du terrain, mettre en place des nouvelles pratiques à l’échelle locale, avant de pouvoir prendre des initiatives politiques pour appuyer ce changement. On ne peut pas selon lui commencer par changer les choses au niveau politique pour ensuite modifier les pratiques au niveau local.
Des antibiotiques à bannir ?
La suite du débat a été animée par des questions des citoyens présents dans la salle. Les premières portent sur l’usage d’antibiotiques dans l’élevage et sur l’éducation : comment changer les mentalités, notamment dans les écoles ?
Sur la question de l’éducation, Carole Mare (LFI) aborde l’enjeu des lobbies et dénonce les interventions de certains directement dans les écoles en prenant l’exemple d’Interdev, lobby de la viande. Pour Benoît Biteau (EELV) la France n’est pas cohérente dans ses exigences au sujet des antibiotiques. En effet, des efforts sont faits pour tenter de réduire leur usage dans l’élevage mais, dans le même temps, nous acceptons l’importation de “soja OGM, porteur du glyphosate”, en provenance notamment du Brésil. Nous sommes donc vigilant sur les modes de production en France, mais nous fermons les yeux sur les produits importés. Un paysan explique que « pour lutter contre les parasites très présents en zones humides, on utilisait des pesticides et des antibiotiques mais on s’est rendu compte que cela détruisait les populations d’insectes et donc d’oiseaux. Nous travaillons donc avec un vétérinaire afin de réduire les doses ». Il explique que le but est de trouver des solutions pour mieux s’inscrire dans l’environnement dans lequel les paysans évoluent, en prenant en compte la biodiversité. Pour Billy Fernandez (Urgence Écologie), « la solution pour limiter les antibiotiques dans l’élevage, c’est le bio ». Il dénonce l’usage préventif d’antibiotiques sur le bétail, dans des environnements artificiels trop peu respectueux des comportements animaux. La conversion au bio, qui se fait sur une période de 3 ans, permettrait alors une réduction significative de ces produits.
Une personne du public interpelle ensuite les candidats : « Je ne vous entends pas parler de protection des sols, qui sont largement surexploités ». Carole Mare (LFI) répond en rappelant que « les prairies captent mieux le carbone lorsqu’il n’y a pas d’élevage dessus ». Billy Fernandez (Urgence Écologie) rejoint ce constat, et propose des changements qui permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre : réduire l’alimentation carnée notamment, même si sa liste ne prône pas la fin de l’élevage pour autant.
Un dernier citoyen propose : « Il faut agir directement au niveau du territoire et pour moi 100% des aides de la PAC devraient dépendre du caractère environnemental ou non des pratiques ». Benoît Biteau (EELV) est en accord avec ce point, et estime qu’il faudrait « passer par des logiques régionalisées afin de mieux coller aux territoires et aux attentes sociétales ». Cependant, Pauline Rattez de la LpO rappel l’importance de se placer dans une perspective européenne et non territoriale afin de négocier une PAC qui prenne en comptes les intérêts du plus grande nombre.