Les groupes impliqués
Le 20 mai, nous avons fait salle comble à la Maison de la Citoyenneté de la Roseraie à Toulouse ! Près de 150 personnes sont venues participer à un débat sur la PAC, en présence de quatre candidats ou représentants de listes aux élections européennes : Véronique Vinet (EELV), Marie Sauts (Génération.s), Pierre-Louis Vernhes (Urgence Ecologie) et Carole Mare (LFI). Les candidats LREM (Irène Tolleret), Place Publique-PS (Eric Andrieu) et LR (Bernard Carayon) se sont excusés de ne pouvoir participer.
A en croire l’affluence à notre événement toulousain, la campagne des européennes passionne le grand public quand elle aborde les questions d’agriculture et d’alimentation ! Le débat a été le fruit d’une belle dynamique collective, avec 14 coorganisateurs : 7 groupes locaux d’organisations membres de la plateforme “Pour une autre PAC” et 7 autres organisations paysannes et citoyennes locales. Afin de permettre à tous, experts comme néophytes, de participer au débat, la soirée a débuté par trois présentations d’introduction pour expliquer le sujet avant de donner lieu à des échanges en petit groupe débouchant sur l’interpellation des candidats.
L’échec de la PAC actuelle
En première intervention, Michel Duru, Directeur de recherche à l’INRA, rappelle les liens étroits entre agriculture, alimentation, santé et environnement. Par ailleurs, il appelle à appréhender la complexité des modèles agricoles au-delà de l’opposition réductrice bio VS conventionnel. Au sein du « bio », il existe une différence importante entre bio « paysanne » et bio « industrielle », ce dernier se contentant de changements non structurels. Au sein des productions non-labélisées « bio », les disparités sont importantes entre les exploitations conventionnelles en monoculture focalisées sur la productivité et les fermes qui travaillent sur les associations de cultures, développent des circuits courts, et explorent des méthodes alternatives. Il conclut en rappelant la nécessité de faire évoluer notre régime alimentaire tant pour des raisons environnementales que sanitaires. Selon lui la PAC montre aujourd’hui ses échecs tant en matière de biodiversité, de santé publique que de social. Sa prochaine réforme doit aider aux transitions pour rapprocher producteurs et consommateurs localement, faciliter l’installation de petites fermes de maraîchage et tendre vers une souveraineté alimentaire.
Pour François Calvet, agriculteur en bio, l’échec de la PAC actuel est patent au regard de la situation de la population agricole : disparition de la moitié des agriculteurs en 30 ans, moyenne d’âge particulièrement élevée, revenus en baisse, milieu rural déserté, faible transmission des savoir-faire. Fait méconnu, les États membres ont une large marge d’interprétation dans leur manière d’appliquer la PAC. Ainsi, si en France les subventions sont très majoritairement dirigées vers le premier pilier (aides à l’hectare favorisant les grosses exploitations), l’Autriche a choisi de favoriser le second pilier (développement rural et critères écologiques). Sa conclusion : la PAC de demain ne devrait subventionner que le bio destiné au marché local, favoriser le maintien et la création d’emplois et ne plus encourager à l’agrandissement des fermes au détriment des petits producteurs comme c’est le cas aujourd’hui.
Jacques Bonati (ancien juriste de la Confédération Paysanne) a conclu cette première partie. Après avoir rappelé les origines et l’évolution de la PAC à travers les réformes successibles, il aborde la question du poids de la FNSEA, syndicat majoritaire incontournable qui, par son soutien au maintien des aides à l’hectare (premier pilier) agit au détriment du deuxième pilier qui permet notamment d’accompagner la transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Au sujet de la prochaine réforme, Jacques Bonati alerte sur l’enjeu de la protection des paysans face aux aléas naturels qui vont augmenter du fait du dérèglement climatique. Il prévient : “attention que la PAC ne soit pas utilisée à l’avenir pour financer des assurances privées au lieu d’aider la résilience des fermes”.
Autosuffisance et soutien à l’agriculture paysanne et biologique
Après ces exposés introductifs, le public a été amené à échanger en petits groupes pour faire remonter une quinzaine de questions aux candidats sur leur position vis-à-vis d’une réforme de la PAC.
Véronique Vinet (EELV) affirme l’ambition de sa liste sur le sujet “promouvoir le modèle de l’agriculture paysanne”, ce qui nécessite d’ “encourager les agriculteurs à continuer leurs professions et les jeunes à prendre la relève”, de leur permettre de “vivre décemment de leur travail” et de “rendre accessible plus de terres pour les jeunes”. Concrètement, elle souhaite “conforter le 2ème pilier de la PAC et notamment les aides pour l’installation et la transitions en bio”. Par ailleurs elle plaide pour “diminuer les aides aux grands industriels, et à partir de 2025 ne subventionner que le bio”, tout en plafonnant les aides pour éviter les effets d’aubaine. Enfin elle propose la création d’aides au revenu pour les agriculteurs les plus précaires, et agir sur le salaire de tous les agriculteurs.
Pierre-Louis Vernhes (Urgence Écologie) porte un discours plus radical. Considérant qu’il faut mettre “fin à la politique des petits pas” il vise le “zéro subvention pour l’agriculture industrielle d’ici 2021″ et souhaite réorienter l’intégralité des aides en faveur du bio. Son ambition : “une Europe autosuffisante en bio en 10 ans”, appuyée par le rapport TYFA (Ten years for agroecology)1. Il a conclu en appelant à faire “attention à la concurrence que les agrocarburants font à l’agriculture nourricière”.
Marie Sauts (Génération.s) a appelé à “lutter pour l’autosuffisance locale partielle” ce qui passe notamment par “moins d’importation et d’élevage”. Pour le maraîchage, son ambition est de “favoriser les petites exploitations optimisées respectant l’environnement et les produits et permettant la conservation des sols”. Enfin, elle a conclu sur la nécessité de l’engagement citoyen, notamment pour “monter des groupes de pressions, des labels de qualité et d’encourager les circuits-court”.
Carole Mare (France Insoumise), a conclu le tour de table en appelant à “enclencher la révolution agricole qui permettra de se passer de l’élevage industriel, de produire 100% bio en luttant contre l’industrie agro-alimentaire et la FNSEA”.
1https://www.agroecology-europe.org/ten-years-for-agroecology/
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