Entre mardi 20 et vendredi 23 octobre, les eurodéputé·e·s ont enchaîné les votes pour définir la position du Parlement européen pour la réforme de la PAC. Dans les médias ou sur les réseaux sociaux, les avis divergent sur le texte acté par le Parlement. Certains parlent d’une PAC équilibrée, résolument plus verte, dont le Parlement peut être fier, tandis que d’autres – dont Pour une autre PAC – ont fait campagne pour que les élu·e·s rejettent ce texte qu’ils ne jugent pas à la hauteur de ce que la PAC devra affronter jusqu’en 2027. Comment s’explique cette différence d’appréciation et sur quoi la plateforme Pour une autre PAC base-t-elle son jugement ?
Plus vert ≠ plus durable
Nous avons vu dans cet article que le fait d’affirmer que la prochaine PAC sera vraiment plus verte est déjà à relativiser. Mais dans tous les cas, le caractère écologique de la PAC n’est pas suffisant pour assurer la durabilité de l’agriculture européenne. Or s’il est vrai qu’il y a eu des négociations intenses et houleuses entre groupes politiques du Parlement sur l’architecture environnementale, ils ont bâclé, voire ignoré, bons nombres d’autres enjeux tout aussi indispensables pour atteindre la souveraineté alimentaire de l’UE et ne pas nuire à celle d’autres pays. En effet, la prochaine PAC pêche très largement sur la question, pourtant fondamentale : « combien de paysan·ne·s demain pour nourrir tou·te·s les Européen·ne·s avec l’alimentation à laquelle ces dernier·e·s aspirent ? ».
Quelle concrétisation du Droit à l’alimentation ajouté dans les objectifs ? Quelles solutions pour mettre la PAC en cohérence avec la politique de développement ? Quelle différenciation entre les types d’élevage et quelle prise en compte du bien-être animal ? Rien sur toutes ces questions, sauf l’ouverture de la possibilité pour les États membres d’utiliser deux mesures (l’ecoscheme du 1er pilier et les engagements agro-environnementaux du 2e pilier) pour l’amélioration du bien-être animal. Et ce alors que les eurodéputé·e·s ont rejeté l’intégration de toutes les directives de l’UE existantes en matière de protection minimale des animaux d’élevage à la conditionnalité de la prochaine PAC, ce qui permettra donc aux deux mesures préalablement citées de subventionner le respect de la législation de base.
Regardons maintenant du côté de l’amélioration de la répartition des aides entre paysan·ne·s. La PAC votée par le Parlement propose premièrement un plafonnement des aides directes à un montant qui n’affecterait en France que les fermes de plus de 510 hectares. Deuxièmement, le Parlement préconise seulement 6% du budget du 1er pilier à allouer au paiement redistributif, c’est-à-dire à la redistribution des aides directes favorable aux petites et moyennes fermes. Troisièmement, il propose 4% du budget total de la PAC à flécher vers le renouvellement générationnel, au travers de trois mesures dont deux agissent à l’encontre de l’objectif recherché (la majoration pour les jeunes agriculteurs des aides de base à la surface et des aides à l’investissement, toutes deux facteurs de course à l’agrandissement, à la productivité et au surendettement, pas vraiment synonyme de plus d’installations).
Enfin, terminons par le principal : le revenu des agriculteur·rice·s. Le Parlement a adopté de nombreuses améliorations à l’Organisation Commune des Marchés, qui permettraient de doter l’UE de meilleurs mécanismes de prévention et de gestion des crises agricoles. Pour une autre PAC approuve sans réserve ces dispositions et souhaite qu’elle passe le cap des trilogues. L’inconvénient, c’est qu’en dehors des temps de crises économiques, l’intervention de la PAC en faveur de revenu des paysan·ne·s reste basée sur l’aide directe au revenu, avec les fameuses subventions à l’hectare. À titre d’illustration, les eurodéputé·e·s ont rejeté un amendement qui introduisait un prix minimal garanti pour les denrées en agriculture biologique, alors que cela aurait apporté un autre type de réponse face à la nécessité de stabiliser et d’augmenter le revenu agricole. Or malgré la distribution de milliards de subventions par le biais des aides directes depuis une vingtaine d’années, le problème du revenu des agriculteur·rice·s ne s’est pas amélioré, bien au contraire. La prochaine PAC continuera donc à faire reposer le revenu agricole, non pas sur les prix de vente des agriculteur·rice·s, mais sur des subventions non liées à ce qui est produit, à la façon dont c’est produit, ni à l’état des prix du marché. Autrement dit, elle ne règlera pas plus qu’aujourd’hui la situation économique dramatique du monde paysan.
En clair, le Parlement européen a voté une PAC qui incitera sans doute une partie des agriculteur·rice·s européen·ne·s à produire de manière un peu « plus verte », par exemple en utilisant moins de pesticides, mais pas d’établir un système agricole et alimentaire européen soutenable. Que celles et ceux qui se satisfont du premier objectif se réjouissent, mais Pour une autre PAC continuera son combat jusqu’à ce que le deuxième soit atteint.
SUITE DE L’ANALYSE
1/3 — Que penser du vote de la PAC par le Parlement européen ?
2/3 — La PAC votée par le Parlement européen est-elle verte ?