Alors que la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a publié le compte-rendu du débat public ImPACtons le jeudi 7 janvier 2021, une réunion de remise officielle au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation était organisée ce vendredi 5 février. Cette réunion de restitution était l’occasion pour le ministre, Julien Denormandie, d’accuser réception du compte-rendu du débat et de délivrer une première réaction publique.
Chantal Jouanno, présidente de la CNDP, et Ilaria Casillo, présidente de la Commission en charge d’organiser le débat ImPACtons, ont salué la large participation à ce débat et l’intérêt qu’il a suscité chez les citoyen·ne·s : 1 876 675 personnes touchées, 12 660 contributions argumentées, 1 083 propositions formulées pendant la deuxième phase du débat.
Retour sur les propositions issues du débat public imPACtons!
Dans son rapport intermédiaire de juin, la CNDP avait d’ores et déjà publié les résultats de la hiérarchisation des objectifs du Plan Stratégique National (PSN) de la PAC issue d’un vote en ligne. Résultat de cette première phase ? Une écrasante majorité des votant·e·s ont jugé la lutte contre le changement climatique, la gestion durable des ressources et la protection de la biodiversité comme “très prioritaires”.
Un premier résultat dont le Ministère devra tenir compte pour rédiger le futur PSN sous l’angle de ces priorités.
Au sujet de la transition agroécologique, le ministre Julien Denormandie a voulu montrer sa détermination lors de la réunion : « la transition s’accompagne et se finance ». Ce propos a cependant été très rapidement revu à la baisse en s’illustrant par un nouvel appel au subventionnement des productions sous le label “Haute Valeur Environnementale” (HVE), dont les lacunes avérées du cahier des charges font de son financement au titre de la PAC une opération relevant plus du greenwashing que d’une réelle ambition de transition (voir notre article à ce sujet). Pourtant, le rapport de la CNDP comporte des propositions bien plus ambitieuses en matière de transition agroécologique : contenu des écorégimes, renforcement de la conditionnalité, accompagnement de la transition grâce à l’agriculture de groupe, réduction des phytosanitaires et soutien massif et prioritaire à la conversion bio, etc. Plusieurs propositions se recoupent également sur la rémunération du bien être animal dans l’écorégime, ce à quoi le ministre devra répondre au regard de la demande sociétale.
Autre sujet majeur mis en avant par le rapport : l’emploi et l’installation agricole. Dans un contexte de départ massif à la retraite dans les prochaines années, la question de la relève et de la valorisation des travailleur·se·s agricoles est une préoccupation majeure des citoyen·ne·s. A ce propos, ces dernier·e·s préconisent largement une allocation des aides de la PAC selon les actifs présents sur chaque ferme. Pourtant, sur cette demande, le Ministre a été clair : “Ce débat de l’aide à l’actif n’est ni mûr ni faisable dans le cadre de cette PAC car nous n’avons pas de définition de l’actif au niveau européen”. S’il est vrai qu’un remplacement complet des aides de base à l’hectare vers des aides à l’actif n’est techniquement pas faisable pour la prochaine PAC, cela ne devrait en aucun cas nous détourner des outils, eux bien à notre portée pour cette réforme, pour mieux redistribuer les aides à l’hectare en prenant en compte les actifs : plafonnement et dégressivité, paiement redistributif, schéma pour les petit·e·s agriculteur·rice·s, etc.
Des propositions à mettre en application dans le Plan Stratégique National
En résumé, Julien Denormandie tire du compte-rendu du débat ImPACtons une liste d’enjeux consensuels, qu’il résume par ces mots : “Il faut qu’on ait une PAC qui soit plus verte et plus juste”. Pour autant, interrogé sur la reprise effective de ces enjeux comme socle de base pour le PSN, le ministre assume que toutes les parties prenantes ne seront pas d’accord sur la manière dont il entend les mettre en œuvre. Il se positionne ainsi en arbitre entre les différentes parties prenantes, sans sembler accorder plus de poids aux propositions largement plébiscitées par les citoyen·ne·s.
Le prochain rendez-vous est fixé au 7 avril, date à laquelle nous saurons quelle réponse le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation apportera concrètement aux propositions formulées par les citoyens. La plateforme Pour une autre PAC suivra cette dernière avec vigilance : le Ministère devra rester fidèle aux propositions citoyennes issues du débat public et en faire le socle de son PSN, actuellement en cours d’élaboration.