Alors que la Commission européenne a publié il y a un an ses propositions législatives pour la PAC post 2020, la PAC actuelle (2014–2020) fait l’objet d’un regain d’attention avec plusieurs évaluations, dont les résultats viennent d’être connus ou sortiront dans les prochains mois. Certes, il pourrait sembler logique d’évaluer la politique existante avant de concevoir les projets de réforme, mais avec la nouvelle composition du Parlement européen suite aux toutes récentes élections, la copie pour la prochaine PAC peut encore largement être révisée. Il n’est donc pas inutile de se pencher de près sur les conclusions de ces évaluations.
1. Les évaluations déjà publiées
Plusieurs évaluations de la PAC 2015–2020 au niveau européen et en France sont déjà sorties des bureaux d’institutions officielles, telles que la Commission européenne, le Parlement européen, la Cour des comptes de l’UE ou encore la Cour des comptes française. Citons à cet égard :
- l’évaluation de la Commission européenne sur le verdissement de la PAC en novembre 2017
- l’analyse de la Cour des comptes de l’UE sur le même sujet, à savoir le verdissement de la PAC, en décembre 2017
- l’étude de la commission “développement” du Parlement européen sur l’impact de la PAC sur les pays en développement en février 2018
- le rapport de la commission “agriculture et développement rural” du Parlement européen sur la mise en oeuvre des instruments de la PAC en faveur des jeunes agriculteurs en mai 2018
- l’étude de la Cour des comptes française sur la gestion du FEAGA (fonds du premier pilier de la PAC) en France en octobre 2018
- le rapport de la Cour des comptes de l’UE sur l’impact de la PAC sur le bien-être animal en décembre 2018.
2. Deux évaluations récentes (avril — mai 2019)
a) Impact de la PAC sur le climat par la Commission européenne
- Les émissions de gaz à effet de serre issues de l’agriculture en UE ont augmenté depuis 2012.
- Il n’y pas d’objectif spécifique climat dans la conditionnalité et le premier pilier, ce qui limite la planification stratégique des Etats membres de ces mesures par rapport à un objectif d’adaptation ou d’atténuation.
- L’impact global des paiements de base sur le climat est jugé comme faible . Il y a certes un petit effet positif car ils permettent le maintien d’un minimum de diversité culturale dans certaines régions, mais aussi des effets négatifs du fait de l’intensification des pratiques : “Le soutien de la PAC a tendance à augmenter avec le degré d’intensification de la production, bien que le contraire ait été observé pour les mesures du PDR impactant la gestion des terres.” Autrement dit, seule une partie du 2e pilier a une action véritablement positive sur le climat.
- Toutefois, pour certains Etats membres, la PAC a bien élevé le niveau d’ambition climatique.
- Dans le verdissement, l’effet du critère sur les prairies permanentes — le plus intéressant des trois pour le climat — ne peut pas être mesuré car on ne sait pas si les surfaces déclarées sur de vraies prairies permanentes ou si ce sont des surfaces en prairies qui ont été retournées puis ré-ensemencées. Or dans le premier cas, il y a effet positif en stockage de carbone, dans l’autre il y a émission de gaz à effet de serre.
- Sur les aides couplées, on constate un effet positif des aides aux légumineuses, mais la majorité du budget des aides couplées est allouée à l’élevage de ruminants. Or les aides directes à l’élevage incitent à une production accrue de bétail ruminant et conduisent donc à une augmentation nette des émissions. Cette augmentation est supérieure d’une part, à l’effet positif des aides aux légumineuses et, d’autre part, aux changements éventuels de pratiques ou de productions dans l’hypothèse d’une suppression des aides couplées. L’étude indique même qu’en matière de pertinence de la PAC par rapport au climat, “le seul exemple de conflit évident entre les mesures en matière d’action pour le climat que nous ayons trouvé est la disponibilité d’un soutien couplé à la production de ruminants ce qui augmente les émissions de GES et n’entraîne pas nécessairement de compensation pour l’atténuation climatique, par exemple par une meilleure protection des sols.”
- Les mesures de la PAC ayant un impact le plus positif sur le climat sont principalement certaines MAEC dans le deuxième pilier, qui entraînent les meilleures réductions d’émission : ce sont les MAEC qui portent sur les prairies et donc sur l’élevage extensif.
Pour conclure, une citation assez éloquente du rapport : “La nécessité de réduire les émissions de GES provenant de la gestion du bétail et des cultures n’est pas correctement prise en compte, car il n’existe aucune mesure de la PAC permettant aux États membres d’obliger les agriculteurs à prendre des mesures pour réduire ces émissions, qui représentent par ailleurs la majorité des émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture.”
b) Gestion du FEADER en France par la Cour des comptes
- l’absence de transfert de moyens humains de l’Etat aux Régions,
- l’augmentation du coût de gestion de FEADER,
- la très mauvaise gestion de la programmation d’Osiris (logiciel gestionnaire des aides non surfaciques du deuxième pilier),
- la centralisation à l’ASP (Agence de Services et de Paiement) de la totalité de gestion des incidents,
- le développement de beaucoup trop de mesures différentes (1 pour 5 agriculteurs en moyenne sur les MAEC),
- l’absence de transfert des crédits de l’Etat vers les Régions pour le cofinancement des mesures du FEADER,
- la logique de confrontation plutôt que de coopération entre l’Etat et les Régions.
3. Les évaluations à venir
D’autres évaluations sortiront des presses de la Commission européenne en 2020, portant sur l’impact de la PAC sur :
- l’eau
- la biodiversité, les paysages et les habitats naturels
- le FEADER ( deuxième pilier de la PAC) et la manière dont il a agit en faveur d’un développement équilibré dans les zones rurales
De son côté, la Cour des comptes de l’UE lance une étude sur l’impact de la PAC actuelle sur la biodiversité. Son rapport est attendu pour mi-mai 2020.