Lien vers la tri­bune sur le site de Libération 

6 décem­bre 2018

Trente-trois organ­i­sa­tions deman­dent au gou­verne­ment d’intégrer dans sa prochaine réforme la mise en place de paiements pour ser­vices envi­ron­nemen­taux (PSE), avec un mon­tant qui serait pla­fon­né et pro­por­tion­nel au nom­bre d’emplois sur la ferme.

La con­science et la préoc­cu­pa­tion du grand pub­lic sur les enjeux de pro­tec­tion de l’environnement, de la bio­di­ver­sité, du cli­mat et du bien-être ani­mal vont gran­dis­santes. Sur l’ensemble de ces sujets, les pra­tiques agri­coles ont des con­séquences majeures. Par exem­ple pour l’atténuation du change­ment cli­ma­tique, l’agroécologie présente des atouts con­séquents et les pra­tiques pos­i­tives doivent être encour­agées. Pour val­oris­er et encour­ager les pra­tiques de pro­duc­tion favor­ables à la préser­va­tion de l’environnement et de la bio­di­ver­sité, l’ensemble des ser­vices ren­dus par les paysan·ne·s doit être rémunéré : leurs pro­duc­tions de den­rées et de biens, mais aus­si l’ensemble des ser­vices ren­dus à la société par leur tra­vail. La Poli­tique Agri­cole Com­mune (PAC), en tant que poli­tique stratégique de finance­ment et d’orientation de l’agriculture, peut y par­ticiper via la mise en place de paiements pour ser­vices envi­ron­nemen­taux (PSE). Nous appelons à les inté­gr­er dans sa prochaine réforme, en cours de négociation.

Con­crète­ment, les PSE per­me­t­traient aux paysan·ne·s de sol­liciter de manière volon­taire une rémunéra­tion qui val­orise les ser­vices qu’ils ren­dent à l’en­vi­ron­nement, selon les pra­tiques mis­es en oeu­vre. Les PSE con­cer­nent par exem­ple  la con­duite d’une ferme en agri­cul­ture biologique, la mise en place de rota­tions de cul­tures inclu­ant des légu­mineuses (qui enrichissent naturelle­ment le sol en azote), la con­ser­va­tion de prairies ou encore l’entretien des haies et des arbres (refuges de bio­di­ver­sité et cap­teurs de car­bone). Leur mon­tant serait pla­fon­né et pro­por­tion­nel au nom­bre d’emplois sur la ferme, comme devraient l’être toutes les aides de la PAC. Cela évit­erait une course à l’a­gran­disse­ment pour capter des aides à la sur­face, au détri­ment de l’emploi.

Les PSE rémunèrent les paysan·ne·s qui vont au-delà des pre­scrip­tions régle­men­taires. En revanche, ils ne devraient pas financer la réduc­tion d’une pra­tique pol­lu­ante. Cette réduc­tion fera l’objet de mesures d’accompagnement dédiées, déjà exis­tantes, et dont les moyens devraient être ren­for­cés. S’il est néces­saire de le pré­cis­er, les PSE ne sont qu’un des ver­sants d’une indis­pens­able réforme en pro­fondeur de la PAC, afin d’aboutir à une Poli­tique Agri­cole et Ali­men­taire Com­mune juste, saine et durable. Enfin, par soucis de respon­s­abil­ité et de sol­i­dar­ité, les PSE ne doivent pas affecter néga­tive­ment les agri­cul­tures et les marchés du reste du monde. Ils doivent donc être un out­il de ren­force­ment de la sou­veraineté ali­men­taire de l’UE sans porter préju­dice à celles des autres régions du monde.

Saisissons l’opportunité de la réforme de la PAC

Nous deman­dons au gou­verne­ment français de saisir l’opportunité de la prochaine PAC pour met­tre en œuvre les paiements pour ser­vices envi­ron­nemen­taux et de bien-être ani­mal. Ils se sub­stitueraient par­tielle­ment et pro­gres­sive­ment au bud­get aujourd’hui alloué aux primes que reçoivent les paysan·ne·s en fonc­tion de la seule taille de leur ferme ou de leur chep­tel, quelles que soient les pra­tiques qu’ils y dévelop­pent. Artic­ulés avec une maîtrise des pro­duc­tions et une régu­la­tion des marchés, ils redonneraient du souf­fle en ter­mes de revenu aux producteur·trice·s, ren­dant ain­si attrac­t­if l’engagement dans la tran­si­tion agri­cole et environnementale.

Pour que ce mécan­isme fonc­tionne, deux con­di­tions doivent être réu­nies : un bud­get impor­tant et crois­sant au cours des années pour être véri­ta­ble­ment attrac­t­if et des critères d’accès ambitieux, d’un point de vue envi­ron­nemen­tal et socié­tal, pour ne pas retomber dans le green­wash­ing de la précé­dente réforme. Les con­séquences des change­ments cli­ma­tiques et de l’effondrement de la bio­di­ver­sité sur les capac­ités de pro­duc­tion des paysan·ne·s européen·ne·s imposent de réa­gir urgem­ment pour ori­en­ter l’agriculture vers des formes véri­ta­ble­ment durables. Nous ne pou­vons pas reporter une fois de plus une telle muta­tion de la PAC.

Créons un pacte vertueux pour toutes et tous

Les Européen·ne·s paient trois fois leur nour­ri­t­ure : à l’achat, dans la PAC via l’impôt et par les coûts de san­té et de dépol­lu­tion. Les paiements pour ser­vices envi­ron­nemen­taux con­stituent une des répons­es pour met­tre fin à cette aber­ra­tion et retrou­ver une util­i­sa­tion effi­cace de l’argent pub­lic. En par­al­lèle du rem­place­ment pro­gres­sif des primes aveu­gles par des PSE favorisant les fer­mes met­tant en œuvre des pra­tiques agri­coles durables, le bud­get de la PAC doit être mis à prof­it pour la tran­si­tion des sys­tèmes, le main­tien et l’installation des petites fer­mes, la relo­cal­i­sa­tion de l’alimentation, etc. Ces paiements con­stitueraient à la fois une recon­nais­sance sociale envers les paysan.ne.s qui ont adop­té ou main­tenu des pra­tiques respectueuses de l’environnement, mais aus­si une main ten­due invi­tant les autres à la réori­en­ta­tion des mod­èles agri­coles. Ce faisant, ce pacte con­tribuerait à créer de l’emploi et à revi­talis­er le milieu rural.

Les PSE représen­tent donc un levi­er pour sor­tir l’agriculture européenne de l’impasse et met­tre les poli­tiques publiques en cohérence avec les attentes socié­tales en matière d’environnement et de bien-être ani­mal. Nous appelons donc à une co-con­struc­tion de cet out­il par toutes les par­ties prenantes (organ­i­sa­tions agri­coles, insti­tu­tions publiques, élus, représen­tants de la société civile, asso­ci­a­tions), con­di­tion sine qua non pour assur­er la réal­i­sa­tion d’un nou­veau pacte agri­cole et ali­men­taire de l’ensemble de la société avec les paysan.ne.s.