Quatre fois moins de paysans en 40 ans et 30% des oiseaux des champs disparus depuis 30 ans : ces deux chiffres sont un symbole d’une crise sociale et environnementale qui traverse depuis bien trop longtemps nos campagnes. Ils sont aussi deux conséquences d’une même cause : le productivisme agricole.
À ces crises successives s’ajoute un drame qui, s’il se déroule à plusieurs milliers de kilomètres, entraîne de fortes répercussions inattendues en France. La guerre en Ukraine a pour conséquence un emballement généralisé sur les prix des matières premières (engrais, carburant, pesticides et céréales) déstabilisant en particulier les agriculteurs les moins autonomes, et plus généralement, l’ensemble de la chaîne alimentaire. Au-delà de nos frontières, cette guerre a mis cruellement en lumière le défi, jamais relevé, de la lutte contre la faim dans le monde, ainsi que la nécessité absolue de stopper la spéculation et de laisser les pays du Sud construire une véritable souveraineté alimentaire. Mais l’occasion était trop belle pour les promoteurs du modèle agro-industriel de mettre en avant la prétendue nécessité de « libérer nos capacités de production agricole » pour produire plus « quoi qu’il en coûte », et ainsi attaquer frontalement les quelques avancées du Pacte Vert européen. Pourtant, il est plus que jamais nécessaire de ne pas opposer le court et le long termes : il nous faut à la fois ménager les ressources naturelles, protéger la biodiversité et atténuer le changement climatique pour assurer notre capacité à nourrir, demain, une population grandissante.
Le nouveau mandat d’Emmanuel Macron placé sous le signe de la planification écologique ne peut faire l’impasse sur une ambition forte pour la transition agroécologique, et son nécessaire corollaire : installer davantage d’agriculteurs. Respecter cet engagement politique ne pourra se faire sans modifier la Politique Agricole Commune (PAC), politique structurante, dont les 9 milliards d’euros annuels attribués à la France sont aujourd’hui distribués selon des critères largement injustes et inefficaces. Dans quelques jours, le gouvernement français est justement tenu de finaliser son projet de déclinaison nationale de la PAC 2023 – 2027. Si la première version de ce projet a été sévèrement critiquée, notamment par la Commission européenne, sa comparaison avec celle des autres États membres n’est pas non plus flatteuse : la PAC version française, pourtant la mieux dotée financièrement, se fond dans la masse des élèves médiocres sur les enjeux environnementaux, de redistribution plus juste des aides, de bien-être animal, de transition de l’élevage, etc. Le gouvernement peut cependant encore rectifier le tir et ainsi redonner des perspectives d’avenir à tous les paysans engagés dans la transition, mais aussi à celles et ceux qui se posent la question de franchir le pas d’exercer ce métier qui a tant de sens.
Mathieu Courgeau,
paysan en Vendée et
président de la plateforme
Pour une autre PAC
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