Début avril, la Commission européenne remettait à 19 des 27 États membres une lettre d’observations sur leur Plan Stratégique National (PSN). Ce document de plusieurs dizaines de pages contient des remarques sur les choix opérés par les États membres et donne des recommandations de corrections à apporter à chaque PSN avant que la Commission ne les valide définitivement. La lettre adressée à la France est particulièrement sévère et pointe de nombreuses insuffisances dans le Plan français. Elle invite fortement le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation à revoir sa copie avant de soumettre une seconde version amendée de son PSN, qui devrait avoir lieu avant la fin du mois de juin.
Trois semaines après leur envoi aux États membres, l’ensemble des 19 lettres d’observations ont été rendues publiques, un effort de transparence louable de la part de la Commission, bien que largement retardé. Après avoir comparé le contenu des PSN des États membres grâce à un outil en ligne, Pour une autre PAC poursuit son travail de mise en perspective du plan français par rapport à celui des autres États membres et se penche sur le contenu de ces lettres d’observations. Quelles appréciations ont été faites par la Commission aux États membres et dans quelle mesure devront-ils en tenir compte ? Les PSN des autres États membres sont-ils aussi durement jugés que le PSN français ?
Des observations globalement sévères, mais qui ne relèvent pas toutes d’une “ non conformité réglementaire ”.
De manière générale, la Commission pointe des lacunes importantes pour l’ensemble des États membres. Elle insiste particulièrement sur le manque d’ambition donné à la déclinaison des objectifs du Pacte vert dans l’architecture environnementale des PSN, bien qu’ils ne soient pas juridiquement contraignants. La Commission est particulièrement sévère à l’égard des États membres qui ont rendu des PSN incomplets, rendant leur évaluation compliquée : c’est notamment le cas de l’Italie. Au milieu d’une grande majorité de remarques « invitant » les États à mieux « justifier » ou à « clarifier » certaines mesures pour attester de leur ambition, la Commission pointe certaines non-conformités réglementaires : des éléments que les États membres sont contraints de corriger pour rentrer dans les clous du règlement. Dans le PSN français, c’est par exemple le cas pour l’éco-régime, dont les montants proposés pour certaines pratiques ne sont pas proportionnels à l’ambition exigée, ce que prévoit pourtant le règlement sur la PAC.
Pour ce qui relève des remarques non contraignantes, il s’agira d’une négociation politique entre la Commission et chaque États membre : plus un État ira dans le sens de la Commission, plus il aura de chance de voir son PSN validé rapidement, un atout non négligeable face à un calendrier déjà serré pour mettre en œuvre la nouvelle PAC au 1er janvier 2023. Pour le moment, le ministre Julien Denormandie a d’ores et déjà fait savoir qu’il n’entendait pas revoir son PSN pour répondre aux « demandes d’opportunités » de la Commission européenne, ou, autrement dit, que la deuxième version du PSN sera amendée a minima pour se conformer au règlement.
Retrouvez les propositions de prise en compte des observations de la Commission par Pour une autre PAC
Des remarques positives adressées à d’autres États membres, là où la France est appelée à revoir sa copie
La France revendique souvent une position de leader au niveau européen en matière d’ambition sociale et environnementale de la PAC, au point que certains observateurs l’accusent de surtransposer à outrance les règles européennes. Pourtant, ce n’est pas ce que l’on constate à la lecture comparée des lettres d’observations. Les visuels présentés ci-dessous montrent, pour six axes structurants de la future PAC, que la Commission européenne a salué les efforts réalisés par d’autres États membres, là où la France est épinglée.
Agriculture biologique
Accompagnement à la transition agroécologique
Rémunération des pratiques environnementales
Redistribution et équité des paiements
Installation agricole
Bien-être animal