Qui décide de la PAC ?

La gou­ver­nance de l’Union européenne est partagée entre trois insti­tu­tions : la Com­mis­sion, le Par­lement et le Con­seil de l’UE. Pour ce qui con­cerne le dossier de la PAC, ce dernier rassem­ble les min­istres de l’agricultures des 28 pays mem­bres. Pour adopter une réforme de la PAC, l’accord entre ces trois insti­tu­tions est nécessaire.

Le mode de prise de décision est propre à chacune d’entre elle :

  • Le Con­seil décide à la majorité qual­i­fiée (au moins 55% des pays mem­bres, représen­tant au moins 65% de la pop­u­la­tion de l’Union) pour la PAC et à l’unanimité pour le budget
  • Le Par­lement décide à la majorité sim­ple (la moitié des député·e·s +1)

Pour rappel, l’actuel Parlement, élu en 2014, compte une majorité de droite :

  • 51 député·e·s écologistes,
  • 52 député·e·s ant­i­cap­i­tal­istes, com­mu­nistes ou assimilé.e.s,
  • 68 député·e·s cen­tristes libéraux démocrates,
  • 100 député·e·s d’extrême droite (répar­tis en plusieurs groupes parlementaires),
  • 190 député·e·s socio-démocrates,
  • 290 député·e·s  conservateurs.

Qu’est-ce que recouvrent les négociations ?

L’accord con­cerne deux aspects majeurs : la part du bud­get de l’UE allouée à la PAC d’une part, et la manière dont ce bud­get est répar­ti d’autre part. Cette deux­ième par­tie con­stitue la réforme de la PAC stric­to sen­sus. Il s’agit alors de s’accorder sur les dif­férents dis­posi­tifs d’aide, leurs modal­ités et leur part de bud­get : les sub­ven­tions de base liées au nom­bre d’hectares, les aides cou­plées à la tête de bétail, les mesures agro-envi­ron­nemen­tales et cli­ma­tiques (MAEC), les mesures en faveur de l’agriculture biologique, ou encore en faveur de l’installation de jeunes agriculteur·rice·s etc.

Quel est le calendrier des négociations ?

En févri­er 2017 s’ouvrait une con­sul­ta­tion publique au sujet de la prochaine Poli­tique Agri­cole Com­mune. C’était la pre­mière étape des négo­ci­a­tions actuelle­ment tou­jours en cours.  Mais, au juste, quand sont-elles sup­posées aboutir et la nou­velle PAC entr­er en vigueur ? Offi­cielle­ment c’est pour le 1er jan­vi­er 2021. Mais plusieurs fac­teurs ren­dent très dif­fi­cile le respect de ce délai. Poten­tielle­ment, le cal­en­dri­er pour­rait « gliss­er » d’une voire plusieurs années ! Trois sce­narii sont envisageables.

  1. Accord politique trouvé avant mai 2019 : avancez directement à la case « mise en œuvre »

Pre­mier scé­nario, le Con­seil des min­istres de l’agriculture, d’une part, et le Par­lement européen, d’autre part, parvi­en­nent cha­cun à un vote sur les textes en cours de dis­cus­sion pour la réforme de la PAC au plus tard en avril 2019.

Après le vote en Con­seil et au Par­lement, les négo­ci­a­tions se pour­suiv­ent fin 2019 par les tri­logues (négo­ci­a­tions tri­par­tites entre ces derniers + la Com­mis­sion européenne), puis après accord au niveau européen, il faut encore compter le temps de la décli­nai­son nationale inclu­ant la rédac­tion d’un plan stratégique par chaque État mem­bre, ain­si que sa val­i­da­tion par la Commission.

Ce scé­nario est toute­fois très peu vraisem­blable dans la mesure où le prochain bud­get de la PAC ne sera lui-même pas acté avant les élec­tions européennes qui se tien­nent fin mai (le 26 mai 2019 pour le vote en France). Or sans bud­get, les États mem­bres rechig­nent à se posi­tion­ner sur le fond de la réforme. Par ailleurs, les dis­po­si­tions du Par­lement sor­tant à vot­er une réforme d’une telle impor­tance dimin­u­ent à mesure que la fin de son man­dat approche.

= Entrée en vigueur de la réforme de la PAC pos­si­ble en 2021, mais pas garantie…

  1. Pas d’accord avant mai : passez votre tour jusqu’en septembre

Deux­ième scé­nario, les insti­tu­tions européennes ne parvi­en­nent pas à un vote avant les élec­tions de mai 2019, le change­ment de Par­lement entraine une pause de quelques mois dans le proces­sus de négo­ci­a­tion. À la ren­trée du nou­veau Par­lement, en sep­tem­bre 2019, les dis­cus­sions repren­nent là où elles avaient été lais­sées en avril, avec les eurodéputé·e·s nou­velle­ment élu·e·s puis la nou­velle Commission.

Ce scé­nario sup­pose toute­fois que les nou­veaux respon­s­ables de la négo­ci­a­tion acceptent de repren­dre les travaux de leurs prédécesseur·se·s. Ceci dépend du résul­tat des élec­tions européennes et du futur équili­bre des forces équili­bres en son sein.

Dans tous les cas, la pause induite par les élec­tions (cinq à sept mois) mèn­erait à un retard dans les négo­ci­a­tions. Sachant qu’il faudrait compter au moins deux ans de plus pour con­clure les dis­cus­sions à la fois aux niveaux européen et nation­al, il ne serait pas pos­si­ble d’être prêt dès début 2021.

=Entrée en vigueur de la réforme de la PAC plutôt pour 2022 ou 2023

  1. Pas d’accord avant mai : retour à la case départ, mais quelle case départ ?

Dernier scé­nario : l’équilibre des forces poli­tiques est pro­fondé­ment cham­boulé par l’élection européenne de mai : bien plus écologique, bien plus euro­phobe, etc. Pour rap­pel, l’actuel Par­lement, élu en 2014, est majori­taire­ment con­ser­va­teur (voir notre arti­cle « négo­ci­a­tions de la PAC : qui ? quoi ? quand ? »). Le nou­veau Par­lement serait alors libre d’abandonner le texte en cours pour repar­tir d’une ver­sion plus con­forme au pro­gramme de sa nou­velle majorité. Il peut aus­si peser sur le choix des com­mis­saires (à l’Agriculture mais pas seule­ment) com­posant la nou­velle Com­mis­sion entrant en fonc­tion en novem­bre 2019. Phil Hogan n’est actuelle­ment pas pressen­ti pour être recon­duit. Son ou sa successeur·se pour­ra égale­ment décider de refaçon­ner le pro­jet de réforme de la PAC tel qu’il se des­sine depuis juin 2018. Selon le point d’où on repar­ti­rait (repren­dre les dis­cus­sions depuis le départ en com­mis­sion « agri­cul­ture » du Par­lement européen – démar­rées en sep­tem­bre 2018, ou pro­pos­er une nou­velle propo­si­tion lég­isla­tive pour la Com­mis­sion européenne – des mois et mois de tra­vail avant paru­tion en juin 2018), le décalage du cal­en­dri­er serait poten­tielle­ment très sig­ni­fi­catif. Pour le meilleur ou pour le pire ?

= Entrée en vigueur de la réforme de la PAC entre 2023 et 2025

Conclusion :

Ce flou du cal­en­dri­er de la réforme de la PAC ne facilite pas le rôle des asso­ci­a­tions, qui ont sou­vent besoin d’échéances proches et d’objectifs con­crets pour con­va­in­cre le grand pub­lic de se mobilis­er mas­sive­ment ; dans ce cas, pour exiger de nos dirigeant·e·s une Poli­tique Agri­cole Com­mune plus juste, plus durable et plus saine. C’est pourquoi la société civile ne doit pas baiss­er la garde même si – et surtout si – les négo­ci­a­tions trainent. Pour cela, à nous de con­stru­ire notre pro­pre agen­da val­orisant toutes les oppor­tu­nités de réclamer à nos décideur·se·s poli­tiques une PAC juste pour les producteur.trice.s, saine pour les consommateur.trice.s et durable pour les écosystèmes.