Ven­dre­di 25 juin, le Con­seil, le Par­lement et la Com­mis­sion européenne se sont accordés sur la réforme de la PAC 2023–2027. Il aura fal­lu trois années de négo­ci­a­tions depuis que la Com­mis­sion européenne a mis sur la table sa propo­si­tion lég­isla­tive ; tout ça pour aboutir à… une non-réforme ! Les ambi­tions sociales et envi­ron­nemen­tales de départ se traduisent au bout du compte par un con­ser­vatisme en décalage com­plet avec l’ampleur des évo­lu­tions de l’agriculture européenne que la PAC devrait accom­pa­g­n­er au cours des prochaines années. La France en par­ti­c­uli­er n’a pas à être fière de sa con­tri­bu­tion au nive­lage par le bas du cadre com­mun. Seule réelle source de sat­is­fac­tion : les pro­grès faits en matière de régu­la­tion des pro­duc­tions agri­coles dans le cadre du règle­ment sur l’Organisation Com­mune des Marchés.

 

 

À la fin, c’est toujours le Conseil qui gagne !

Après trois années de négo­ci­a­tion de la réforme de la PAC à échelle européenne, les insti­tu­tions européennes vien­nent d’acter un accord sur les trois règle­ments qui encadreront la PAC 2023–2027 : un règle­ment sur les plans stratégiques, un règle­ment sur l’Organisation Com­mune des Marchés et un règle­ment dit hor­i­zon­tal, sur le suivi, le finance­ment et la ges­tion de la PAC. En par­al­lèle de ces négo­ci­a­tions à l’échelle de l’UE, les États mem­bres ont déjà large­ment entamé leur décli­nai­son nationale, à l’instar des arbi­trages annon­cés le 21 mai dernier par Julien Denor­mandie, le min­istre de l’agriculture et de l’alimentation, pour le plan stratégique nation­al de la France.

Même si le Par­lement et la Com­mis­sion européenne ont fait preuve de per­sévérance au cours des tri­logues, la majorité des points restés en sus­pens dans les négo­ci­a­tions jusqu’à la fin de celles-ci aura finale­ment été résolue par des posi­tions très proches de celles souhaitées par le Con­seil. Les min­istres européens de l’agriculture s’illustrent, réforme de la PAC après réforme, par un con­ser­vatisme délétère et cette réforme-ci n’aura pas fait excep­tion, mal­gré une opin­ion publique dans leurs pays respec­tifs de plus en plus sen­si­bles à la dif­fi­cile con­di­tion des paysans et à l’impact de l’agriculture sur l’environnement, le bien-être ani­mal ou les pays du Sud.

Pas de mieux ni sur l’environnement ni sur la redistribution des aides, seuls les progrès en matière de régulation des marchés tirent l’accord vers le haut.

Beau­coup se félici­tent d’une PAC plus verte et plus juste, mais où est le mieux par rap­port à la PAC actuelle ? Une plus grande part du bud­get revien­dra aux paiements de base à l’hectare, mécan­isme de la PAC pour­tant respon­s­able de tant de maux pour les cam­pagnes européennes. La fuite en avant vers le mod­èle pro­duc­tiviste ne sera freinée ni par un pla­fon­nement oblig­a­toire, ni par une remise en cause de l’aide à l’assurance récolte, ni même par une véri­ta­ble con­di­tion­nal­ité sociale en vigueur dès 2023. Les sys­tèmes agri­coles ayant un impact négatif pour l’environnement pour­ront aisé­ment pass­er à tra­vers les mailles du filet de la con­di­tion­nal­ité envi­ron­nemen­tale, voire même béné­fici­er d’une rémunéra­tion par l’éco-régime. Quant aux garanties que la prochaine PAC amélior­era l’accès de tous à une ali­men­ta­tion de qual­ité, le bien-être des ani­maux d’élevage, la con­tri­bu­tion de l’agriculture à la san­té publique, et même qu’elle per­me­t­tra d’atteindre les objec­tifs du Pacte vert, elles sont tout sim­ple­ment inexistantes.

Quelques élé­ments posi­tifs font tout de même leur appari­tion dans la prochaine PAC. La créa­tion d’une déf­i­ni­tion d’un nou­v­el agricul­teur (per­me­t­tant de soutenir les instal­la­tions de per­son­nes ayant plus de 40 ans), le recours aux aides cou­plées pour soutenir la pro­duc­tion de légu­mineuses sans avoir à jus­ti­fi­er d’une fil­ière en dif­fi­culté, ou encore l’introduction de divers mécan­ismes d’organisation des marchés agri­coles, sont indé­ni­able­ment à saluer. Mais ils sont mal­heureuse­ment bien trop rares pour con­tre­bal­ancer les nom­breuses sources d’insatisfaction.

La France n’est pas innocente dans cet accord au rabais.

Il existe un par­al­lélisme sur­prenant entre les déci­sions préal­ables de Julien Denor­mandie sur le plan stratégique nation­al français et la ligne de base actée aujourd’hui au niveau européen. Julien Denor­mandie ne voulait pas accorder plus de 10% de bud­get au paiement redis­trib­u­tif, ni par­venir à une con­ver­gence interne supérieure à 85 % ? Le texte européen ne l’y oblig­era pas. Julien Denor­mandie refu­sait l’obligation de rota­tion dans la con­di­tion­nal­ité envi­ron­nemen­tale et voulait pou­voir jouir d’une flex­i­bil­ité sur les crédits alloués à l’éco-régime ? Ce sont choses acquis­es. La France, pour­tant vue comme un des bons élèves du Con­seil jusqu’à l’année dernière, a active­ment con­tribué à nivel­er par le bas les règles min­i­males imposées aux États mem­bres par le cadre européen. Une posi­tion coupable pour l’avenir de l’agriculture française et peu engageante à six mois de la prési­dence du Con­seil par le pays…

Et après ? La Commission en ultime rempart pour éviter le fiasco total de cette réforme.

Dans ce con­texte som­bre, la Com­mis­sion européenne, qui a pour­tant aban­don­né tant de ses propo­si­tions ini­tiales et a renon­cé à une PAC au ser­vice de ses straté­gies « Farm to Fork » et « bio­di­ver­sité », représente l’ultime rem­part pour éviter à la prochaine PAC un fias­co total : c’est elle qui aura pour mis­sion d’approuver ou de reto­quer les plans stratégiques nationaux des États mem­bres. Pour une autre PAC et ses parte­naires européens ne toléreront aucune com­plai­sance de la Com­mis­sion à l’égard des décli­naisons nationales de la réforme et pré­par­ent d’ores et déjà à le faire savoir !