Le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a annoncé cet après-midi les derniers arbitrages du Plan Stratégique National (PSN) de la PAC qui sera remis très prochainement à la Commission européenne pour approbation. Pour une autre PAC salue une nouvelle volonté d’équilibre dans les arbitrages et un dialogue rétabli avec nos organisations après la rupture imposée par le précédent ministre. Si Marc Fesneau tente de sauver les meubles en arrachant à la profession agricole majoritaire d’ultimes avancées environnementales, le cap général donné à la politique agricole de la France reste inadapté aux défis que le secteur devra relever d’ici 2027. Nos organisations entendent saisir l’opportunité des révisions annuelles du PSN prévues par le règlement européen pour obtenir de nouvelles évolutions.
Marc Fesneau renoue le dialogue avec l’ensemble des acteurs agricoles et la société civile
Depuis l’arrivée de Marc Fesneau au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, les organisations de Pour une autre PAC ont constaté davantage d’écoute dans la dernière phase des négociations que lors de la phase d’élaboration de la première version du PSN sous le quinquennat précédent. A l’occasion d’un dernier Conseil Supérieur d’Orientation sur le Plan Stratégique National avant son approbation par la Commission européenne cet été, Pour une autre PAC salue la recherche d’équilibre dans les derniers arbitrages annoncés. Cependant, la recherche de compromis demeure une tâche fastidieuse pour le gouvernement qui se heurte à une FNSEA rétrograde tant sur la méthode (en ne jouant jamais la carte de la transparence dans les discussions) que sur le fond (en bloquant toute avancée environnementale et sociale, au détriment des agriculteurs volontaires pour mettre en œuvre la transition agroécologique).
Quelques ajustements sur le plan environnemental, au prix d’un immobilisme sur de nombreuses mesures clés
Dans ce contexte, les ultimes arbitrages environnementaux du gouvernement d’Elisabeth Borne sur le PSN, déjà en demi-teinte, ne sauraient contrebalancer les conséquences délétères du plan dans son ensemble, qui demeure largement insuffisant tant sur le climat et la biodiversité que sur le plan social ou encore sur le bien-être animal.
Sur la rotation des cultures, la France abandonne certes la volonté de déroger intégralement à cette règle imposée par le règlement européen et s’y conforme administrativement, mais sans réelle considération agronomique, et continue de plus d’octroyer une dérogation pour la monoculture de maïs. Cette concession faite à la FNSEA, bataillant pour la préservation des systèmes les moins résilients, n’est toutefois à ce jour pas validée par la Commission européenne. Sur la comptabilisation des haies, le niveau de pondération proposé constitue un compromis acceptable à même d’inciter les agriculteurs à conserver leur haies. En ce qui concerne l’éco-régime, le gouvernement français accorde un différentiel de 30 euros pour la bio par rapport à la certification HVE, et positionne clairement l’AB à un niveau supérieur à cette dernière. Néanmoins, la révision du cahier des charges de la HVE demeure largement insuffisante pour justifier la valorisation de cette dernière, et a fortiori de son niveau inférieur (la certification de niveau 2 +), à travers l’éco-régime. Alors même que cette révision s’est opérée à la hâte et sans concertation adéquate au nom de la nécessité d’intégrer le nouveau référentiel dans l’éco-régime, la France accorde finalement une dérogation d’un an pour permettre aux agriculteurs d’accéder à l’éco-régime en 2023 sans se conformer au nouveau cahier des charges HVE. La déception est également grande concernant le mécanisme de rémunération de la diversification des cultures sur les terres arables, qui offrira un accès à l’éco-régime à la très grande majorité des fermes françaises sans qu’elles aient à faire évoluer leurs pratiques.
Enfin, en matière sociale, la France n’est malheureusement pas revenue sur ses décisions en matière de répartition équitable des aides. Toutefois, Pour une autre PAC se réjouit des annonces du jour relatives à l’application de la transparence GAEC pour le paiement forfaitaire à destination des jeunes agriculteurs, au non-cumul entre une retraite à taux plein et les aides PAC et à l’absence de modification du système de prorata pour la comptabilisation des surfaces pastorales.
Des opportunités restent à saisir pour améliorer le PSN d’ici 2027
Hier, le Haut Conseil pour le Climat et la Cour de Comptes ont publié chacun publié un rapport dénonçant les faiblesses de la PAC actuelle et les risques de sa reconduction jusqu’en 2027 en l’absence d’une réorientation majeure. Ces éclairages détonnent face au projet de PSN que la France va bel et bien soumettre à approbation à la Commission européenne. En effet, ce plan là ne sera en mesure ni de permettre l’atteinte des objectifs prévus par le Pacte vert européen ou la Stratégie Nationale Bas Carbone, ni d’assurer la résilience de l’agriculture française face aux chocs géopolitiques, économiques ou climatiques. C’est pourquoi les organisations paysannes et citoyennes de Pour une autre PAC poursuivront leurs efforts en faveur de l’évolution du PSN au travers des révisions annuelles de celui-ci et invitent les autorités françaises à maintenir un dialogue rapproché avec l’ensemble des parties prenantes pour préparer le plus en amont possible ces améliorations en cours de programmation.
Pour Mathieu Courgeau, paysan en Vendée et président de Pour une autre PAC, « le point final de cette longue période d’élaboration de la nouvelle PAC s’achève sur un bilan mitigé. Malgré quelques concessions en bout de course, nous ne pouvons faire fi des deux dernières années de négociation, marquées par la surdité de Julien Denormandie à nos propositions et le manque d’ouverture de la profession agricole majoritaire, dont ce PSN largement décevant est le résultat. Les progrès que nos organisations ont arraché lors de cette dernière phase nous encouragent à continuer de porter l’ambition d’une autre PAC : une PAC qui permettra aux paysans français d’être soutenus pour protéger l’environnement et la biodiversité ; une PAC pour améliorer le bien-être animal, pour s’installer, pour créer de l’emploi, pour offrir une alimentation saine et de qualité à tous les citoyen·nes ».