Le 5 févri­er dernier, la Com­mis­sion Nationale du Débat Pub­lic (CNDP) présen­tait au min­istre de l’A­gri­cul­ture et de l’Alimentation, Julien Denor­mandie, le compte-ren­du du débat pub­lic Impactons : une démarche de par­tic­i­pa­tion organ­isée en amont de l’élaboration, par le Min­istère, du Plan Stratégique Nation­al (PSN), dans la mesure où les propo­si­tions issues du débat devraient être pris­es en compte dans cette décli­nai­son française de la PAC, dont la pre­mière ver­sion est atten­due pour la fin du mois de mars. 

Si le min­istère doit répon­dre, d’ici le 7 avril, au compte-ren­du de la CNDP et ren­dre compte de la prise en con­sid­éra­tion des propo­si­tions des citoyen·ne·s, le droit de regard des citoyen·ne·s n’est pour autant pas ter­miné : une con­sul­ta­tion du pub­lic sur le pro­jet de  Plan Stratégique Nation­al est prévue. Mais en quoi con­siste-t-elle réelle­ment et que peut-on en attendre ? 

 

Une obligation réglementaire en vertu de la directive européenne sur l’évaluation environnementale 

Pour bien com­pren­dre la place lais­sée à la par­tic­i­pa­tion du pub­lic tout au long de l’élaboration du Plan Stratégique Nation­al, il faut revenir à la procé­dure dite “Éval­u­a­tion Envi­ron­nemen­tale Stratégique”. Cette procé­dure est issue d’une direc­tive européenne et le Plan Stratégique Nation­al fait par­tie des poli­tiques soumis­es à cette direc­tive, au regard des impacts envi­ron­nemen­taux qu’il engen­dre sur le ter­ri­toire national.

C’est en vertue de cette direc­tive que l’élaboration du PSN doit pass­er par les phas­es suivantes :

  • Une phase amont dédiée à la par­tic­i­pa­tion du pub­lic et qui s’est traduite en France par l’or­gan­i­sa­tion du débat pub­licImPACtons, organ­isé par la CNDP.
  • La pro­duc­tion d’un rap­port envi­ron­nemen­tal dans lequel les effets sig­ni­fi­cat­ifs prob­a­bles sur l’en­vi­ron­nement de la mise en œuvre du PSN sont analysés. En France, ce rap­port  sera réal­isé par le min­istère de l’Agriculture et de l’Alimentation avant d’être soumis pour avis à l’Autorité envi­ron­nemen­tale. Pour le PSN, l’Autorité envi­ron­nemen­tale com­pé­tente est le Con­seil général de l’en­vi­ron­nement et du développe­ment durable (CGEDD).
  • Une phase aval dédiée cette fois à la con­sul­ta­tion du pub­lic sur le pro­jet de PSN.

Une procé­dure qui vient rap­pel­er le lien étroit entre PAC et envi­ron­nement et l’impor­tance de recourir à une autorité indépen­dante pour men­er à bien une éval­u­a­tion com­plète et impar­tiale, acces­si­ble au pub­lic. Les rap­por­teurs du CGEDD, qui seront nom­més après sai­sine début avril, auront la tâche de fournir un avis éclairé sur le rap­port envi­ron­nemen­tal fourni par le min­istère et de veiller à ce que les impacts du plan n’aient pas été sous-estimés, tant sur le plan de la bio­di­ver­sité que du cli­mat ou des sols. Pour cela, ils dis­posent de  trois mois, durant lesquels ils pour­ront ren­con­tr­er des par­ties prenantes ou encore effectuer des vis­ites de ter­rain, le tout afin de délivr­er l’avis le plus com­plet possible.

La consultation en ligne : un gage de transparence mais une prise en compte limitée

Cette dernière phase de con­sul­ta­tion s’in­scrit donc dans la con­ti­nu­ité du débat pub­lic ImPAC­c­tons, mais elle n’est pas com­pa­ra­ble, tant par sa durée que par ses ambi­tions. Cette fois-ci, pas de débats en ligne, de con­férences, ni d’appels à con­tri­bu­tions. Il s’agira désor­mais de don­ner à voir le pro­jet de PSN élaboré par le min­istère et de laiss­er la pos­si­bil­ité aux citoyen·ne·s de con­sul­ter le rap­port envi­ron­nemen­tal, ain­si que l’avis émis par l’Autorité envi­ron­nemen­tale sur ce dernier. Autrement dit, le min­istère de l’Agriculture et de l’Alimentation, maître d’ouvrage du PSN, met­tra à dis­po­si­tion en ligne pour con­sul­ta­tion l’ensemble des élé­ments du dossier con­sti­tu­ant le pro­jet de PSN : des doc­u­ments très dens­es et tech­niques, ce qui laisse présager que seuls les citoyen·ne·s les plus aguerri·e·s oseront s’y frotter.

D’une durée légale de 21 jours, la con­sul­ta­tion devrait com­mencer début juin, alors que l’envoi du PSN à la Com­mis­sion européenne est prévu pour la fin juin ! Des délais très con­traints qui nous per­me­t­tent d’ores et déjà de douter de la capac­ité, tant de l’avis de l’autorité envi­ron­nemen­tale comme la con­sul­ta­tion du pub­lic, à faire évoluer le PSN. Ain­si, bien que le min­istère soit tenu de rédi­ger une syn­thèse de toutes les con­tri­bu­tions et d’attester de leurs prise en con­sid­éra­tion, il ne faudrait pas espér­er de cette con­sul­ta­tion autre chose qu’un droit de regard don­né aux citoyen·ne·s sur le chantier que con­stitue l’élab­o­ra­tion du PSN.

En fin de compte, l’avis de l’autorité envi­ron­nemen­tale comptera cer­taine­ment plus dans la dernière phase des négo­ci­a­tions de la réforme de la PAC, au moment des allers-retours entre le min­istère et la Com­mis­sion européenne pour l’approbation du PSN de la France par cette dernière.  L’évaluation envi­ron­nemen­tale pour­rait alors faire ressor­tir d’éventuelles faib­less­es des actions prévues par le PSN pour répon­dre aux objec­tifs envi­ron­nemen­taux et cli­ma­tiques prévus pour l’agriculture française et ain­si, inviter la Com­mis­sion européenne à exiger de l’Etat français une plus grande ambi­tion dans son PSN.