On a pas mal entendu parler de Politique Agricole Commune ces dernières semaines, mais pour les personnes non initiées au processus de réforme de celle-ci, il n’est pas évident de bien saisir ce qui s’est joué. Pour une autre PAC revient donc sur les jalons de la réforme qui ont fait l’actualité fin octobre.
ACTE 1 — Les ministres de l’agriculture européens = le Conseil de l’UE
Qui ?
Les ministres de l’agriculture des États membres de l’Union européenne, réunis au sein du Conseil de l’UE, ont trouvé un accord sur la réforme de la PAC le mercredi 21 octobre. Cet accord a été orchestré par l’Allemagne, et plus précisément la ministre allemande de l’agriculture, dans la mesure où c’est le pays qui occupe actuellement la présidence du Conseil.
Quoi ?
Dans les grandes lignes, les ministres ont adopté une position sur la prochaine PAC qui ressemble beaucoup à la manière dont la PAC agit aujourd’hui. Le Conseil a beaucoup communiqué sur l’ambition environnementale de son accord. Pourtant, son texte ne prévoit rien d’ambitieux, ni sur le plan environnemental, ni sur les autres enjeux. Au contraire, vu les enjeux colossaux auxquels la prochaine PAC devra répondre, la réforme voulue par le Conseil apparait comme rétrograde et irresponsable :
- Pas de plafonnement obligatoire des aides (alors qu’au niveau européen, 20% des bénéficiaires captent 80% des aides)
- Un renforcement des conditions environnementales que doivent respecter les agriculteur·rices pour toucher les aides. Mais avec de nouvelles conditions si basses qu’elles seront sans effet, l’ensemble des agriculteur·rices européen·nes les respectant déjà.
- Une mesure verte obligatoire pour les États membres (appelée ecoscheme), à laquelle ils devront allouer – avec certaines flexibilités – au moins 20% du budget du 1er pilier, mais sans précision sur son contenu
- Pas de soutien privilégié pour les petites fermes (qui touchent beaucoup moins d’aides car elles ont peu de surfaces)
- Pas d’avancée sur le bien-être animal, l’agriculture biologique ni la souveraineté alimentaire
Bilan = 😡
ACTE 2 — Les députés du Parlement européen
Qui ?
Les eurodéputé·es, c’est-à-dire les élu·es qui représentent les citoyen·nes européen·nes au sein du Parlement européen, ont aussi adopté leur position sur la réforme de la PAC entre le 20 et le 23 octobre. Mais contrairement au Conseil, le Parlement n’adopte pas un accord en un seul gros bloc : les eurodéputé·es votent sur des centaines d’amendements article par article.
Quoi ?
Pour une autre PAC a publié trois articles détaillés sur ce qu’a voté le Parlement européen pour la réforme de la PAC. Il est assez difficile de résumer ce vote vu le nombre de dispositions qui ont été adoptées ou rejetées. On peut toutefois constater que se trouvent parmi elles des éléments positifs, qui emmènent la prochaine PAC dans la bonne direction, et d’autres négatives. Au total, la réforme de la PAC adoptée par le Parlement est très confuse : elle ne donne pas de cap clair à l’agriculture européenne d’ici 2027, certains de ses amendements étant carrément contradictoires.
- Parmi les points positifs du vote du Parlement : évaluation de la mise en œuvre de cette réforme à l’aune des objectifs du Pacte vert, référence aux Droit à l’alimentation et Droit au développement, renforcement des outils économiques communs pour la gestion des crises, obligation de développer l’agriculture biologique, etc.
- Parmi les points négatifs du vote du Parlement : rejet de l’obligation de baisser de 30% les gaz à effet de serre d’origine agricole, rejet du renforcement d’une aide forfaitaire pour les petites fermes, sacralisation d’une majorité du budget pour les aides de base à l’hectare, rejet du conditionnement des aides à des normes de bien-être animal ou à une certaine densité des élevages, etc.
Bilan = 😑
La réforme de la PAC ne s’arrête pas là ! Quels sont les prochains actes ?
À échelle européenne : les trilogues, de novembre 2020 à mi 2021
Il va maintenant falloir trouver un compromis entre la position défendue par le Conseil (cf. acte 1) et celle du Parlement (cf. acte 2). C’est tout l’objet des trilogues, qui réunissent ces deux institutions ainsi que la Commission européenne, pour une ultime phase de négociations, avant l’accord final. Pour l’instant, il y a clairement des incompatibilités entre leurs positions respectives. Par exemple :
- Sur le plafonnement, le Parlement défend un plafonnement obligatoire par ferme et par bénéficiaire, alors que le Conseil dit que celui par ferme doit être facultatif et il ne parle pas d’un plafonnement par bénéficiaire.
- Sur la mesure verte du 1er pilier (l’ecoscheme), le Conseil veut lui allouer 20% du budget contre 30% pour le Parlement.
- Sur le volet social, le Parlement veut créer des conditions liées au respect des travailleur·euses pour avoir accès aux aides, quand le Conseil ne s’est pas positionné là-dessus.
- Sur la compatibilité entre la prochaine PAC et le Pacte vert pour l’Europe, le Conseil l’a rejetée, tandis que le Parlement s’est prononcé en partie en sa faveur.
À échelle nationale : les Plans Stratégiques Nationaux, de fin 2019 à mi 2021
Chaque État membre de l’UE doit préparer sa déclinaison nationale des textes européens sur la réforme de la PAC. Cela sera fait au travers d’un très gros document appelé Plan Stratégique National (PSN). Les pays ont déjà commencé à préparer chacun le leur et vont y travailler de manière encore plus active à partir de maintenant. La plateforme Pour une autre PAC est très mobilisée sur la déclinaison française de la réforme de la PAC et nous vous reparlerons donc très prochainement du PSN de la France !