Dans un rapport publié cette semaine, le think tank de la Fondation Nicolas Hulot (FNH), met en évidence le déficit d’accompagnement des agriculteurs et agricultrices pour la réduction des pesticides par les financements publics et privés. Il fait état du fait que 11% des financements publics ont une intention de réduction des pesticides et que 1% seulement est réellement efficace dans la lignée de cet objectif.
Membre de la plateforme Pour une autre PAC, la FNH pointe ainsi les dysfonctionnements du système d’aide publique, au sein duquel la PAC joue un rôle majeur. Lors d’une intervention sur France Inter le mercredi 10 février, la Ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, affirmait à ce propos que la réduction des pesticides était “un des grands sujets de la réforme de la PAC”. Et pour cause, la France élabore en ce moment son Plan Stratégique National (PSN), qui déterminera l’essentiel de l’action publique en matière jusqu’en 2027 en matière de recours aux produits phytosanitaires.
PAC et financement publics : des moyens conséquents pour des effet très limités
La PAC représente environ 9 milliards d’euros par an de crédits européens, auxquels s’ajoutent des co-financements nationaux à hauteur de 800 millions d’euros environ, essentiellement alloués aux agriculteurs.
Parmi les mesures de la PAC identifiées par FNH comme ayant sur le papier une intention de réduction des pesticides, on retrouve par exemple la conversion à l’agriculture biologique et le paiement vert. Pour l’aide à la conversion à l’agriculture biologique, les agriculteurs atteignent effectivement le zéro phyto d’origine chimique en fin d‘aide, si bien que celle-ci est considérée comme efficace pour atteindre l’objectif visé. En revanche, dans le cas du paiement vert, cette mesure est inapte à accompagner les agriculteurs dans la réduction de l’usage des pesticides. En effet, si le paiement vert représente 30% du budget du premier pilier, la quasi-totalité des exploitations y a droit sans changements de pratiques. Les dérogations et flexibilités accordées dans son application ont vidé de son sens cette mesure initialement censée rémunérer des pratiques bénéfiques (maintien des prairies, diversification des cultures et surface d’intérêts écologiques). Concernant les pesticides, rien n’interdisait jusqu’en 2018 l’épandage sur ces surfaces d’intérêt écologique (comme les haies ou les bandes enherbées).
Une mesure très bien dotée financièrement, mais très peu contraignante, ce qui explique notamment pourquoi malgré les 11% des financement publics censés aider à la diminution voire l’abandon de l’usage des pesticides, seulement 1% y parviennent effectivement.
Les MAEC et les aides à l’AB : des mesures globalement efficaces mais encore trop peu dotées
Alors quelles mesures de la PAC rentrent dans les 1% de financements publics permettant effectivement d’accompagner la réduction des pesticides ? Il s’agit des Mesures Agroenvironnementales et Climatiques (MAEC) et des aides à la conversion ou au maintien en agriculture biologique. Ces mesures-ci constituent des engagements pluriannuels, assurant aux agriculteurs une compensation du manque à gagner subi du fait de la mise en place d’un nouveau système sur leur ferme.
Concernant les MAEC, le rapport de la FNH note cependant leur hétérogénéité pour produire des effets : réversibilité des pratiques mises en place, effets d’aubaine, inadéquation de la rémunération au niveau d’exigence environnementale des cahiers des charges et aux coûts qu’ils génèrent. Il est ainsi estimé que seulement certaines MAEC seraient efficaces pour la réduction des pesticides via les pratiques agricoles, soit un budget estimé de 20 millions d’euros.
Malgré d’évidentes marges d’amélioration, les MAEC et les aides à l’AB souffrent avant tout d’une sous-dotation budgétaire. Elles ne pèsent malheureusement pas très lourd au regard du paiement vert. Leur budget annuel moyen avoisine les 250 millions d’euros, soit huit fois moins que ce dernier ! Ces chiffres traduisent un besoin urgent de réallocation des fonds de la PAC vers les seules mesures pluriannuelles d’accompagnement à la transition agroécologique.
Le Plan Stratégique National, une occasion unique d’inverser la tendance
Face à ce constat, la FNH et la plateforme Pour une autre PAC rappellent que des leviers sont actuellement à la portée du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pour rattraper ce retard. En effet, l’élaboration en cours du Plan Stratégique National décidera de la répartition de l’enveloppe de la PAC en France entre les différents types d’aides. D’importants moyens doivent être mis sur les mesures les plus efficaces, faute de quoi la France ne sera pas à la hauteur des objectifs pour lesquels elle est engagée : Pacte vert européen (réduction de 50% l’utilisation et les risque des pesticides chimique, réduire de 50% l’utilisation des pesticides les plus dangereux et 25% de la surface en AB d’ici 2030), Plan national Ambition Bio (15% de la surface en AB en 2022), Plan national Ecophyto 2 (réduction de 50% d’utilisation de pesticides d’ici 2025, sortie progressive du glyphosate au plus tard d’ici 2022 pour l’ensemble des usages).
Pour respecter ces ambitions, nous proposons d’utiliser les leviers suivants :
- Utiliser le futur dispositif vert du premier pilier dédié, appelé l’éco-régime, à hauteur de 40% du budget du budget de ce pilier, pour le décliner en paiements pour services environnementaux. Ce dispositif, financé à hauteur de 40% du budget du budget de ce pilier, devrait permettre de rémunérer :
- l’agriculture biologique
- les infrastructures agro-écologiques car elles sont bénéfiques pour les auxiliaires de cultures
- les prairies, des surfaces qui par essence ne requièrent pas de pesticides
- une bonne gestion de l’assolement, grâce à la diversification des cultures dans le temps et l’espace, nécessaire pour une baisse systémique des pesticides
- Démultiplier le budget pour les aides à la conversion vers l’agriculture biologiques et MAEC, en transférant au moins 15% le budget du 1er pilier vers ces aides et les rendre accessibles à tous les agriculteurs volontaires, sans zonage géographique
- Ne pas tomber dans le piège des “fausses solutions” comme l’agriculture de précision, qui visent plutôt à optimiser le système actuel dans lequel les agriculteurs sont dépendants des pesticides, plutôt que de les accompagner dans un changement de système.