En décembre 2020, Pour une autre PAC détaillait dans une note les multiples raisons pour lesquelles elle s’opposait à toutes les formes d’intégration de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) dans la PAC post 2020. Le caractère totalement inopérant du référentiel HVE pour la transition agroécologique, plusieurs fois mis en avant par nos organisations, n’a pourtant pas empêché le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de proposer que l’éco-régime, nouvelle aide environnementale de la PAC, soit accessible pour les fermes certifiées HVE, et ce pour un niveau de rémunération égal aux fermes biologiques ! La France précisait néanmoins, dans la version du Plan Stratégique National (PSN) de la PAC rendue en décembre 2021 à la Commission européenne, qu’il s’agissait d’un cahier des charges HVE « rénové ». Si cette mention dans le PSN ne donnait aucune indication sur ce à quoi correspondait, en substance, cette révision, la France se devait a minima de promettre des amendements à l’actuel cahier des charges, celui-ci étant moins exigeant que la nouvelle conditionnalité de la PAC.
Mais qu’en est-il depuis lors ? Dans quel cadre et selon quelles échéances s’organise la rénovation du cahier des charges de la certification HVE ? Les lacunes de la HVE actuelle seront-elles vraiment améliorées, de sorte que l’éligibilité des fermes certifiées HVE au futur éco-régime soit pleinement justifiée ?
Pour une autre PAC synthétise ici l’état des lieux de la rénovation de la certification HVE.
Un calendrier du Plan stratégique national défavorable à une révision ambitieuse de la HVE au profit d’un simple alignement sur la nouvelle conditionnalité de la PAC.
La rénovation de la HVE est débattue au sein de la Commission nationale de la certification environnementale (CNCE), un organe consultatif au sein duquel siègent des organisations agricoles et des ONG. Les travaux sur cette refonte du cahier des charges n’ont commencé qu’à la fin de l’année 2021, avec l’annonce de la remise d’un rapport de l’OFB (Office français de la biodiversité) sur l’évaluation de l’ambition environnementale de l’actuelle HVE, base sur laquelle une révision « en profondeur » de la certification HVE devait avoir lieu. Le calendrier de la réforme de la PAC, conjugué à une date de rendu de l’étude plusieurs fois reporté, ont remis en cause cette ambition initiale. En effet, la remise officielle de l’étude, désormais prévue pour juin 2022, arrivera trop tard pour qu’une révision en profondeur de la certification HVE, sur la base des résultats de ce rapport, puisse avoir lieu avant la validation définitive du PSN par la Commission européenne en septembre 2022. Autrement dit, rien n’a été fait pour que l’étude de l’OFB soit rendue suffisamment en amont pour que les membres de la CNCE puissent travailler dans des délais confortables et remettre des propositions de renforcement significatif de la HVE valables dès l’entrée en vigueur de la prochaine PAC. L’enjeu est d’autant plus important que l’éco-régime n’est pas la seule aide dans la future PAC affiliée à la certification HVE, puisqu’il s’agit également d’un critère de bonification des aides à l’installation et l’investissement.
D’ailleurs, la Commission a d’ores et déjà fait savoir à la France, dans sa lettre d’observations sur le PSN français, que « dans la situation de révision en cours du cahier des charges de la certification environnementale des exploitations agricoles » , elle n’était « pas en mesure à ce stade d’en évaluer les bénéfices environnementaux et climatiques ». Comment la Commission pourrait-elle en effet valider l’accès à l’éco-régime via la certification HVE alors même que son cahier des charges est actuellement en révision et qu’elle n’en connaît donc pas l’ambition ? Cette proposition de chèque en blanc n’est d’ailleurs pas du goût de la Commission, qui demande à la France « soit de reporter l’inclusion des options d’accès à l’éco-régime par (…) HVE à l’occasion d’une prochaine révision du PSN, soit de suspendre ces options dans le PSN jusqu’à mise en place du nouveau cahier des charges ». Ce que les organisations paysannes et environnementales qui siègent à la CNCE redoutent, c’est que qu’une réforme ambitieuse n’aboutisse pas avant la mise en œuvre de la nouvelle PAC et qu’en attendant, la France choisisse l’option a minima pour que son PSN soit validé : aligner les critères de la HVE sur la nouvelle conditionnalité pour conserver une voie d’accès à l’éco-régime pour la HVE, une façon de repousser à plus tard une véritable refonte de ladite certification.
Révision en profondeur, de quoi parle-t-on ?
Si les critères existants de la certification HVE doivent être rehaussés, notamment par rapport à la conditionnalité, une révision plus profonde impliquerait de limiter les effets d’aubaine et de mettre en place des critères d’exclusion pour des pratiques néfastes vis à vis desquelles l’actuelle HVE est aujourd’hui trop permissive (comme l’utilisation de molécules classées cancérogènes mutagènes ou reprotoxiques (CMR) ou de néonicotinoïdes). L’actuelle voie B de la certification permet d’obtenir le label sur la base du ratio entre les charges de produits phytosanitaires par rapport au chiffre d’affaires : un critère très discriminant vis-à-vis des productions à faible valeur ajoutée, mais très accessible pour les exploitations viticoles par exemple. La Confédération paysanne, la Ligue de protection des oiseaux (LPO), France Nature Environnement (FNE) et le Réseau CIVAM, membres de Pour une autre PAC et siégeant par ailleurs à la CNCE, dénoncent de concert le fait que ces questions ne soient pas véritablement posées. Ces dernières sont depuis plusieurs mois mobilisées sur des évolutions à la marge des critères pour que la HVE ne reste pas en dessous des critères de la PAC, alors qu’elles auraient souhaité que le cap d’une vraie réforme soit clairement fixé dès le début d’année 2022.
Si une rénovation de la HVE devait avoir lieu seulement en cours de programmation PAC, aucune garantie n’a été évoquée pour l’instant sur l’intégration de ce nouveau cahier des charges lors d’une révision annuelle du PSN. Reste également en suspens la question du délai octroyé aux agriculteur·rices pour se conformer au nouveau cahier des charges et donc de l’ampleur des dérogations accordées les premières années. Autrement dit, les fermes certifiées HVE depuis plusieurs années auront-elles accès à l’éco-régime dès 2023 ?
En tout cas, la perspective d’une révision a minima en 2023 puis d’une nouvelle révision en profondeur en 2024 ou 2025 rendrait serait peu intelligible pour les agriculteur·rices et nous conforte dans l’idée qu’une seule et unique étape dans la rénovation de HVE est préférable. En attendant de connaître ces détails de mise en œuvre, il n’en reste pas moins que la certification HVE comme critère d’obtention de l’éco-régime, comme de toute autre aide PAC, ne doit pas être permise tant qu’une rénovation sérieuse ne sera actée dans le cadre de la CNCE.
Pour en savoir plus : Comprendre la certification HVE (document de vulgarisation réalisé par LPO France)
¹ La conditionnalité est l’ensemble des règles environnementales de base que doivent respecter les agriculteur·rices pour être éligibles aux aides directes du premier pilier de la PAC.