Entre le 1er janvier et le 30 juin 2022, la France sera à la tête du Conseil de l’Union européenne. Pour une autre PAC détaille ici les enjeux et le fonctionnement de cette présidence du Conseil, notamment en matière d’agriculture et d’alimentation.
C’est quoi la Présidence française de l’Union européenne (PFUE) ?
Parler de présidence de l’UE est en réalité un abus de langage, car la France ne va pas « présider l’Union européenne », mais seulement le Conseil de l’UE (appelé aussi Conseil des ministres) : la Commission, le Parlement et le Conseil européen conservent leur système de gouvernance. Le Conseil de l’UE est l’institution qui réunit les ministres des 27 États membres. Elle amende et approuve les projets législatifs en codécision avec le Parlement européen et siège en différentes formations selon les sujets ; le Conseil AGRIFISH rassemble par exemple l’ensemble des ministres de l’agriculture des Etats membres. Durant la réforme de la PAC qui s’est clôturée en juin dernier par l’adoption définitive des trois règlements européens, le Conseil a par exemple contribué à amender le texte originel de la Commission et participé à la phase de négociations en trilogues pour parvenir à un compromis avec le Parlement européen.
La présidence de cette institution est tournante tous les six mois. Elle consiste à la fois en un rôle institutionnel (fixer l’ordre du jour et présider les réunions du Conseil, rédiger les propositions de compromis, représenter le Conseil en trilogues face aux députés, etc.), mais également en un rôle politique. C’est en effet l’occasion pour le pays qui a la présidence de faire valoir certaines de ses priorités politiques, souvent hors des tâches qui lui sont officiellement confiées mais plutôt dans un cadre informel (l’Etat qui a la présidence a notamment un accès privilégié à la Commission européenne, seule détentrice de l’initiative législative). Une présidence du Conseil est également l’occasion d’organiser de nombreux évènements et conférences ministérielles sur le territoire du pays hôte, une manière de faire rayonner son influence. Julien Denormandie accueillera par exemple du 6 au 8 février à Strasbourg ses homologues européens pour une réunion informelle du Conseil.
Quel est le lien entre la PFUE et les activités de Pour une autre PAC ?
La présidence de l’Union européenne et notamment celle du Conseil AGRIFISH par Julien Denormandie (du moins jusqu’à la passation de pouvoir en mai 2022), n’est pas dénuée de lien avec la PAC. Les plans stratégiques nationaux (PSN) de la PAC sont désormais entre les mains de la Commission européenne pour approbation. Si le Conseil n’a théoriquement plus à intervenir dans la procédure, les Ministres de l’agriculture vont tenter d’influer sur le processus d’évaluation des PSN par la Commission. Julien Denormandie a notamment souhaité que le Conseil de mars soit l’occasion pour la Commission de présenter sa méthode d’évaluation des PSN et de générer une discussion avec les Etats membres. Un moment qui sera certainement l’occasion pour les Etats de mettre la pression sur la Commission pour exiger une analyse indulgente de leur PSN, la France étant loin d’être parmi les bons élèves quant à l’ambition de son PSN. Pour une autre PAC suivra ainsi ce passage des PSN au Conseil et veillera à la transparence des débats orchestrés par la France.
Les six prochains mois sous présidence française de l’UE seront également l’occasion de suivre plus largement les dossiers agricoles et alimentaires : plusieurs dossiers législatifs seront entre les mains du Conseil AGRIFISH entre janvier et juin et la France sera également en position de promouvoir politiquement certaines idées d’importance, comme la réciprocité des normes européennes dans les échanges commerciaux.
Quelles sont les opportunités concrètes pour faire avancer la transition agroécologique ?
Plusieurs textes seront l’occasion pour la France d’œuvrer dans le sens d’une agriculture plus juste et plus verte :
- Un règlement européen sur la déforestation sera négocié en Conseil sous PFUE : il sera l’occasion de faire en sorte que les produits agricoles consommés au sein de l’UE ne soient pas sources de déforestation.
- Une révision du Règlement sur les limites maximales de résidus de pesticides autorisées dans les produits importés : la France pourra pousser politiquement pour que la Commission engage un relèvement massif de ces limites, aujourd’hui très laxistes.
- une révision de la directive sur l’utilisation durable des pesticides, qui sera l’occasion d’inclure les cibles de réduction des pesticides de la stratégie « De la ferme à la table » au sein du cadre législatif européen. Cette proposition de révision devrait arriver au Conseil à la fin de la PFUE.
Pour une autre PAC suivra donc dès maintenant et jusqu’à la fin de la PFUE l’action de la France en matière d’agriculture, à la fois dans son rôle institutionnel au Conseil mais également grâce à l’influence politique dont elle bénéficiera. Si les objectifs du Pacte Vert européen et de sa stratégie « De la ferme à la table » sont loin d’être pleinement intégrés dans la réforme de la PAC, il faut exiger de la France qu’elle œuvre activement à la transcription de ces objectifs dans les différentes législation de l’UE.