Le 27 Mars 2020, la Direc­tion Générale Agri­cul­ture et Développe­ment durable de la Com­mis­sion européenne a pub­lié deux éval­u­a­tions étab­lis­sant l’im­pact de la PAC sur les habi­tats, les paysages et la bio­di­ver­sité (résumé en français, étude com­plète en anglais) d’une part et, l’eau (résumé en français, étude com­plète en anglais) d’autre part.

Sur la forme comme sur le fond, de graves man­que­ments sont à soulign­er et appel­lent à un change­ment de par­a­digme pour la réforme en cours de négociation.

 

 

Une publication « hors délais »

Tout d’abord, con­cer­nant la forme, le fait que la pub­li­ca­tion de cette éval­u­a­tion ait lieu près de deux ans après la propo­si­tion de réforme de la PAC revient à assumer que les résul­tats des éval­u­a­tions n’influenceront pas ce qui est pro­posé dans le cadre des négo­ci­a­tions. Il est d’ailleurs impor­tant de not­er que les rap­ports étaient en réal­ité prêts depuis novem­bre 2019, mais gardés en interne jusqu’à main­tenant. La Com­mis­sion ne les a pub­liés qu’après avoir été mise en demeure par le bureau Europe du WWF.

Il est regret­table qu’aucune pub­li­ca­tion de résul­tats d’évaluation de l’impact des dis­posi­tifs en vigueur ne soit prévue dans le cycle de la PAC bien avant toute réforme de la poli­tique.

 

Des évaluations dont il faut tirer les leçons

Con­cer­nant le fond, alors que le com­mu­niqué de presse de la Direc­tion Générale de l’agriculture de la Com­mis­sion européenne met en avant tout ce que la PAC fait de beau pour la bio­di­ver­sité, les paysages et l’eau, le con­tenu des éval­u­a­tions est autrement plus nuancé. 

Plusieurs pistes d’améliorations, voire de change­ments pro­fonds, sont iden­ti­fiés, dont voici quelques exemples :

  • Une majorité des Sur­faces d’In­térêt Écologique — SIE, (une des trois com­posantes du « verdisse­ment » nou­velle­ment inté­gré à la PAC en 2013) ont été des sur­faces cul­tivées et des aux­il­i­aires de cul­ture. Ils ne con­stituent donc pas réelle­ment des refuges pour la biodiversité ;
  • Les paiements décou­plés ne con­cer­nent que très peu les types de pro­duc­tion (vin, fruits, fleurs par exem­ple) qui exer­cent le plus de pres­sion sur l’eau et qui ne sont donc pas soumis­es à la conditionnalité ;
  • Les mon­tants des Mesures Agro-Envi­ron­nemen­tales et Cli­ma­tiques (MAEC), dont la souscrip­tion est fac­ul­ta­tive,  ne sont pas suff­isam­ment attrac­t­ifs pour inciter une majorité de paysan·ne·s à s’engager dans des pra­tiques vertueuses pour l’environnement.

La lec­ture de ces éval­u­a­tions con­firme en out­re que ce sont bien le respect de la lég­is­la­tion (c’est-à-dire la con­di­tion­nal­ité) et les mesures à portée envi­ron­nemen­tale ambitieuse (MAEC et zones Natu­ra 2000) qui sont les plus effi­cientes en ter­mes d’impact posi­tif sur les milieux et la bio­di­ver­sité. On décou­vre égale­ment que les effets béné­fiques de la PAC sur l’environnement sont extrême­ment vari­ables selon les États. Cette diver­sité s’explique par les marges de manœu­vre dont ces derniers dis­posent dans la mise en œuvre des mesures de la PAC, à tel point qu’il est dif­fi­cile d’évaluer la con­tri­bu­tion glob­ale de la PAC à tra­vers l’UE.

 

L’impact de ces évaluations dans la réforme de la PAC

Bien que ces éval­u­a­tions arrivent un peu tard, les appren­tis­sages que chacun·e en tire peu­vent encore être inté­grés dans les négo­ci­a­tions de la réforme de la prochaine PAC pour ne pas renou­vel­er les man­que­ments iden­ti­fiés. C’est même une néces­sité pour que cette PAC ren­con­tre les aspi­ra­tions des citoyen·ne·s qui la voudraient béné­fique à l’environnement(1).

L’évaluation recom­mande ain­si de recon­sid­ér­er l’allocation des paiements directs pour la ren­dre cohérente avec les niveaux de pres­sion sur l’eau exer­cée par les fer­mes et les niveaux de pra­tiques béné­fiques pour l’environnement qu’elles met­tent en œuvre.

Sans tir­er les leçons de ces erreurs, la Com­mis­sion pro­pose, au con­traire, d’aug­menter la flex­i­bil­ité lais­sée aux États mem­bres tout en con­ser­vant le mécan­isme des paiements décou­plés… Quelques propo­si­tions allant dans le bon sens sont tout de même à not­er avec la propo­si­tion du ren­force­ment de la con­di­tion­nal­ité envi­ron­nemen­tale et la créa­tion d’un sché­ma écologique oblig­a­toire dans le pre­mier pili­er. Encore faut-il que les négo­ci­a­tions avec le Con­seil et le Par­lement européen ne vien­nent pas détri­cot­er ces sec­on­des propo­si­tions et empir­er la réforme de la PAC…

Car il est pour­tant pos­si­ble de faire de cette réforme de la PAC une réforme per­me­t­tant de voir éclore un sys­tème agroé­cologique dans laque­lle les paysan·ne·s retrou­veraient une place cen­trale au sein de la fil­ière : un sys­tème éthique, à l’écoute des deman­des citoyen·ne·s, respectueux de la san­té humaine et du bien-être ani­mal, résilient face aux change­ments cli­ma­tiques et source de richess­es pour les ter­ri­toires. C’est ce que pro­jette la plate­forme Pour une autre PAC dans ses propo­si­tions pour la réforme de la PAC post 2020, après avoir réal­isé le bilan de la PAC actuelle.

(1) Dans la consultation publique organisée par la Commission européenne sur le sujet de la PAC en 2017, les citoyen.ne.s identifiaient, à 32 %, les “pressions sur l’environnement et sur les ressources naturelles” et à 23 % le “changement climatique (atténuation et adaptation)” comme défis prioritaires pour la PAC.
European Commission, Summary of the results of the public consultation “Modernising and Simplifying the Common Agricultural Policy”, 2017.  A consulter sur :