La Commission européenne a rendu, le 31 mars, ses premières observations sur les Plans Stratégiques Nationaux (PSN) de la PAC aux États membres, dont la France. Alors que la crise ukrainienne sert actuellement d’excuse à plusieurs pays européens, la France en tête, pour légitimer des PSN au rabais, cette étape est l’occasion pour la plateforme Pour une autre PAC de situer l’ambition agricole française au niveau européen en comparant les orientations choisies pour la déclinaison française de la PAC avec celle des autres États membres. Le verdict est sans appel : autrefois leader sur l’ambition sociale et environnementale de cette politique majeure pour l’agriculture, la France ne brille pas par son progressisme en collant au strict minimum européen, contrairement à d’autres États membres plus ambitieux sur la trajectoire donnée à leurs agriculteurs. A la lecture de cette analyse et des récentes observations de la Commission sur le PSN français, une révision en profondeur s’impose.
Outil à découvrir ici : https://pouruneautrepac.eu/quifaitmieuxquelafrance/
Un outil simple pour visualiser les États membres qui déclinent une PAC plus verte et plus juste que la France.
Depuis le 1er janvier 2022, la France occupe la présidence française du Conseil de l’UE. L’influence politique inhérente à ce poste aurait dû lui permettre de se positionner en leader, que ce soit sur la résolution des enjeux agricoles pendant la crise ukrainienne, ou sur l’ambition environnementale et sociale de la PAC. Elle préfère cependant défendre la « stabilité » pour son propre secteur agricole et alimentaire et le préserver de tout changement, quitte à sacrifier au passage tout espoir de transition agroécologique d’ici 2027.
Mais qu’en est-il des arbitrages opérés dans d’autres pays de l’UE ? Afin de répondre à cette question, Pour une autre PAC a développé un outil visuel et pédagogique vulgarisant le contenu des différents PSN. En prenant le PSN de la France comme référentiel, il donne à voir, grâce à une carte interactive, quel autre pays est plus ambitieux sur huit enjeux majeurs pour l’avenir de notre agriculture (redistribution, installation, bien-être animal, soutien à l’agriculture biologique, etc). L’outil fournit également des informations de base et des données sur la situation agricole de chaque pays de l’UE pour remettre en perspective les choix opérés par les États membres.
Découvrez la carte interactive sur les PSN : https://pouruneautrepac.eu/quifaitmieuxquelafrance/
La France très loin d’être adepte de la surtransposition pour cette PAC.
La France est le premier bénéficiaire de la PAC. Longtemps leader sur l’ambition sociale et environnementale de cette politique majeure pour l’agriculture européenne, force est de constater que ce n’est malheureusement plus le cas. Contrairement au discours très relayé par la FNSEA ou la Coordination rurale soutenant que la France aurait une fâcheuse tendance à surtransposer les règles européennes, la comparaison de la déclinaison française de la PAC avec celle des autres États membres montre qu’il n’en est rien. Sur de nombreuses mesures, la France n’a pas choisi, contrairement à d’autres pays de l’UE, d’aller au-delà du minimum exigé par le règlement PAC, alors même que la rédaction par chaque État membre d’un plan stratégique national s’annonçait comme une opportunité de dessiner une PAC alignée sur les attentes sociétales et à même de répondre à la crise que connaît le monde agricole.
Par exemple, concernant l’ambition d’une plus juste répartition des aides, la France n’a pas activé le mécanisme de plafonnement des aides ni renforcé les outils permettant un ciblage sur les petites et moyennes fermes, désavantagées par la distribution des aides à la surface. Ces choix ont pourtant été opérés chez plusieurs de nos voisins européens. Sur le volet environnemental, la France a opté pour les options minimales concernant la conditionnalité des aides et son éco-régime est jugé particulièrement inopérant pour l’environnement comparé à plusieurs autres États membres.
Une réforme au rabais, faussement justifiée par la guerre en Ukraine, mais pointée du doigt par la Commission européenne.
La France va malheureusement plus loin que de proposer un PSN parmi les moins progressistes de l’UE. Sur le plan environnemental, elle instrumentalise le conflit ukrainien pour déroger aux règles actuelles de la PAC et pour revenir sur les quelques avancées environnementales de la réforme devant s’appliquer à partir de 2023. Pour l’année 2022, sur proposition initiale de la Présidence française de l’UE (PFUE), le paiement vert ne sera ainsi plus soumis au respect de règles environnementales ! Au-delà des dérogations permises sur la dernière année de mise en œuvre de la PAC actuelle, la France demande à la Commission européenne une réforme au rabais qui correspond, à ce stade, à solliciter une approbation « flexible » — comprenez laxiste — de son plan stratégique national.
Pourtant, le constat émis par la Commission dans sa lettre d’observation adressée le 31 mars à la France sur son PSN est sévère et sans appel (voir notre CP). Parmi les points saillants figurent une vraie faiblesse sur l’architecture environnementale (conditionnalité, éco-régime, agriculture biologique et budget des MAEC), des lacunes à pallier sur l’installation, une absence complète du bien-être animal, ou encore un appel à une meilleure démonstration du bon ciblage des paiements. La France ne devra pas se contenter de détailler un peu plus ses intentions, mais devra véritablement revoir en profondeur sa copie pour répondre aux faiblesses déjà largement dénoncées par Pour une autre PAC, mais également s’aligner sur l’ambition supérieure de la plupart de ses voisins européens.